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consolider l’alliance du nouveau chef de la maison, Si-el-Arbi, avec le makhzen, et de ce côté du moins le sultan put envisager l’avenir sans crainte. On peut même dire qu’à la fin de son règne Moulaï-el-Hassan, avec une extrême habileté, était parvenu à rompre les liens qui unissaient les populations de cette contrée en une sorte de confédération. Mais à l’époque qui nous occupe le vieux marabout ne se dérangeait point pour venir au-devant du sultan, et se bornait à lui dépêcher un de ses enfans.

Après deux mois de négociations, le sultan atteignit enfin la ville de Rabat. C’est de là qu’il organisa son gouvernement, dans les plaines de Chaouia, de Doukkala et sur toute la côte de cette partie du Maroc qui s’était empressée de proclamer le nouveau souverain, et l’avait reconnu d’autant plus aisément que la crainte de désordres et de troubles paralysait le commerce, les affaires, et dominait tout le monde.

Au départ de Rabat et avant d’arriver à Meknas, Moulaï-el-Hassan eut à combattre la tribu arabe et très turbulente des Beni-Ahsen dans les plaines de la vallée du Sebou et le long de la forêt de la Mamora.

L’entrée à Meknas, l’ancienne résidence de Moulaï-Ismaïl, le plus glorieux des princes de la dynastie filali, — ce contemporain de Louis XIV qui envoyait un ambassadeur à Versailles pour demander au grand Roi la main de la jeune princesse de Conti, — marquait la première étape décisive du nouveau règne. La ville, habitée en grande partie par des descendans de l’ancienne garde noire des sultans, ne devait opposer aucune résistance ; cette population, tirant la plus grande partie de ses ressources des séjours assez prolongés que fait parmi elle la cour marocaine, ouvrit avec enthousiasme au souverain les portes de la cité. Moulaï-el-Hassan s’installa au palais de ses aïeux pour étudier la situation politique intérieure du royaume de Fez et dicta ses premières volontés. Ce fut durant cette période qu’il reçut la visite de notre représentant au Maroc, M. Tissot. On attribua à cette démarche une certaine part des facilités relatives que Moulaï-el-Hassan rencontra ensuite pour l’établissement de son gouvernement, car on vit dans cette reconnaissance du nouveau souverain par notre légation une affirmation de la puissance du jeune sultan. Et cela était d’autant plus précieux, qu’à ce moment le makhzen était très préoccupé de l’accueil que ferait au gouvernement la ville de Fez, devant laquelle il allait se présenter. La population de la plus considérable des villes du Maghreb a effectivement une assez mauvaise imputation ; elle est frondeuse et toujours prête à l’insurrection. Le parti des agitateurs, étudians et