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qui ont agi sur la destinée de la caste, et en faire la source suffisante du régime, sont deux. Autant la première proposition est d’abord vraisemblable, autant la seconde est inadmissible. Un Hindou- — un juge qui a de la situation le sentiment vivant et la pratique familière (Gourou Proshad Sen) — cherchant à résumer les traits permanens de la caste, a pu négliger complètement la profession. Où chercher l’essentiel de la caste, sinon dans les règles dont le maintien absolu en assure la perpétuité, dont la violation même légère entraîne pour l’individu la déchéance, pour un groupe la dissolution ? Ces règles n’ont avec la profession aucun lien, ou seulement un lien indirect par l’intermédiaire des scrupules de pureté. L’âme de la caste est ailleurs.


III

C’est dans la race, dans les oppositions qui en dérivent, que la cherche M. Risley ; il est par là en contradiction directe avec M. Nesfield. A l’en croire, la hiérarchie actuelle serait la consécration sociale de l’échelle ethnographique, depuis les aryens demeurés purs dans les castes les plus hautes jusqu’aux aborigènes les plus humbles parqués dans les basses castes. La race est, cette fois, substituée à la profession connue principe générateur. « L’index nasal » est la formule des proportions du nez ; c’est, paraît-il, le critérium le plus certain de la race. M. Risley aboutit à cette affirmation singulière, au moins d’aspect : « C’est à peine une exagération d’établir comme une loi de l’organisation des castes dans l’Inde orientale, que le rang social d’un homme varie en raison inverse de la largeur de son nez. » Qui ne resterait un peu sceptique ? Je ne me pique pas de discuter les mensurations et les classifications de M. Risley. Il faut avouer du moins que, jusqu’à présent, les théories qui ont prétendu résumer la situation ethnographique dans l’Inde se sont enlizées dans des contradictions et des difficultés inextricables. Il y a de quoi mettre les ignorans en défiance. Une concordance si parfaite, étant donnés les mélanges profonds et très accidentels de tant d’élémens, — et M. Risley les reconnaît lui-même, — tiendrait véritablement du prodige. M. Nesfield n’est pas moins décisif sur la concordance rigoureuse qu’il découvre entre le rang social et la série supposée de l’évolution industrielle. Par quel miracle les deux principes, issus de sources absolument différentes, s’ajusteraient-ils si parfaitement ? Je les laisse aux prises. Je le puis d’autant mieux que ni l’un ni l’autre, dans la théorie de leurs habiles avocats, n’engage