pendant ses tournées le grand comique américain Jefferson, pour applaudir les acteurs célèbres que la France envoie ! Le vaste hall, où chaque semaine est donnée de la musique d’orchestre excellente, est toujours comble. Le recueillement général ne laisse aucun doute sur la sincérité de l’intérêt pris par l’auditoire à ces concerts qui ne durent qu’une heure et demie environ, — mesure qu’il serait fort sage d’adopter partout.
Beaucoup de jeunes filles sont bonnes musiciennes ; elles s’empressent, aussitôt qu’elles le peuvent, de partir pour Munich et Bayreuth. Celles qui dessinent vont étudier la peinture en France, en Italie, prétexte à voyager. Au retour elles travaillent d’arrache-pied, rivalisant d’ardeur et de persévérance avec les artistes de profession. Rien à demi semble être la devise de toutes ces intelligentes, tenaces et ambitieuses personnes.
Une question que je devine sur les lèvres de mes lectrices est celle-ci : — Comment la faiblesse des femmes, si herculéenne qu’elle puisse être, résiste-t-elle à une pareille dépense d’activité, à ces existences doubles, triples, quadruples, menées de front et à la vapeur ? — Tenons compte de l’influence excitante, exhilarante d’un climat sec qui vous met du vif-argent dans les veines. Quelquefois cependant, très souvent même, la force nerveuse qu’on y puise cède tout à coup, les ailes qui vous portaient se brisent, et on tombe épuisée. Combien sont communs les signes de l’étisie, la rougeur hectique plaquée aux pommettes, les figures hâves, les joues creuses, les lèvres pâles, les yeux cernés ! La maladie nerveuse est partout, et voilà pourquoi les « leçons de repos » données par miss Payson Call ont tant de vogue. L’Amérique est probablement le seul pays du monde où l’on ait soumis à des principes d’hygiène l’art de se laisser aller.
J’ai sous les yeux le livre curieux de miss Call : Power through repose. Elle y raconte, — ce que je n’ai pas de peine à croire, — qu’un médecin allemand, s’étant établi en Amérique, fut absolument déconcerté par le nombre et la variété des désordres nerveux qu’on venait lui soumettre. À la fin il annonça la découverte d’un nouveau mal qu’il décora du nom d’americanitis. — Contre l’americanitis la Faculté s’évertue en vain, des maisons de santé spéciales se multiplient, on ordonne des cures de repos comme ailleurs des cures d’eau froide. Très judicieusement miss Call fait observer que les infirmités produites par un long oubli des lois de la nature ne peuvent être guéries que par un retour à ces lois dédaignées. Il faut donc apprendre, — et son enseignement roule là-dessus, — à s’abandonner dans le sommeil, à éviter toute contraction nerveuse en voiture ou à cheval, à penser tranquillement sans collaboration