il n’est aucune éducation qui pût tout d’un coup nous les rendre. Si on nous transportait chez les Esquimaux, pourrions-nous avoir l’énorme puissance digestive de leur estomac ? Et les Esquimaux, à leur tour, pourraient-ils acquérir, sinon après des siècles, l’énorme puissance digestive de nos cerveaux aryens ? Il y a, sinon inégalité primitive, du moins inégalité consécutive d’aptitudes et disparité actuelle entre les races humaines. Les cerveaux sont des concentrations de pensées comme les soleils des concentrateurs de lumière, et il y a des soleils de diverses grandeurs. Le travail des siècles ne peut pas être remplacé, pour les enfans des races inférieures, par un simple entraînement de quelques années. Il serait sans doute désirable que le premier enfant venu des Boschimans n’eût besoin que de s’asseoir quelque temps sur les bancs de nos écoles pour devenir égal en aptitudes à nos propres enfans ; mais la solidarité des générations à travers le temps s’y oppose. Le jeune sauvage pourra, étant données ses capacités, avoir autant et plus de mérite moral que les autres, selon la bonne volonté qu’il aura apportée au travail, mais, en général, il n’aura pas les mêmes talens. Quand on voit, en Afrique, un énorme chameau s’agenouiller à la voix d’un petit enfant, ce n’est pas en vertu d’un dressage immédiat, portant sur un animal sauvage : cet acte exprime, comme on l’a dit avec raison, la somme de tous les efforts faits de temps immémorial pour domestiquer l’espèce. De même, lorsqu’un homme descend d’une famille de race inférieure, dépourvue de toute culture ancestrale, il est généralement impossible de l’élever du premier coup au-dessus d’un certain niveau. Pendant les années où il a pu observer de près la mission égyptienne, M. Mismer déclare que, toujours, la capacité d’un élève se trouvait en rapport étroit avec la culture générale de ses ancêtres et avec les facultés constituant le privilège de sa race. « L’enfant d’une race inculte est obligé de tout apprendre, là où celui d’une race civilisée ne fait que se souvenir[1]. » L’enfant des races inférieures peut cependant s’assimiler avec assez de rapidité l’instruction la plus élémentaire, qui roule généralement sur des choses simples et ayant rapport à la vie sensitive. Tant que vous vous adressez à ses sens, à sa mémoire, à son imagination reproductive, vous obtenez des résultats. Voulez-vous dépasser un certain niveau, arriver aux notions les plus abstraites, aux combinaisons de logique ou d’invention scientifique, le développement s’arrête. M. Souffret a connu un jeune Touranien de douze ans qui s’exprimait en plusieurs langues, arabe, turc, français, avec la plus grande correction, mais qui n’a jamais
- ↑ Le monde musulman. Souvenirs de la Martinique et du Mexique pendant l’intervention française. Paris, Sandoz.