plus noble qu’il y ait — et qui vous suggère l’idée de combien de choses vastes et gracieuses, voiles d’un vaisseau dans le vent, et le reste ! — au premier coup d’œil vous voyez, vous comprenez tout : l’intégrité du plan primitif, et comment des additions postérieures sont venues s’y joindre ; et comment s’y sont attachés ces délicats ornemens, et les rayons de lumière qui se répandent dans les chapelles, et l’étonnante hardiesse de la voûte, et l’étonnante légère de ce qui la retient, et l’unité de la perspective, et sa variété. Non, point de mystère ! mais aussi point de repos ! Vous trouverez le repos dans les œuvres classiques, avec leur simple loi de la pression verticale, ou dans leurs dérivés lombards, rhénans ou normands : ici, au contraire, toujours vous avez la conscience, l’inquiétude, de cet équilibre instable par pression oblique qui est l’essence de l’aventureuse construction ogivale… Au lieu de la pure mélodie de l’architecture grecque, vous avez ici l’harmonie, une musique plus riche, produite par l’opposition, au même moment, de sonorités diverses. »
Les additions du XIVe et du XVIe siècle, les sculptures, les fresques, les vitraux, le trésor et les pierres tombales, tour à tour M. Pater décrit toutes ces parties de la cathédrale d’Amiens. Et je ne puis m’empêcher de vous citer encore la conclusion de son article :
« C’est un morne, un triste monde que domine ainsi Notre-Dame d’Amiens ; un monde qui n’a guère autre chose dont il puisse être lier ; le monde entre tous le mieux fait pour rendre plus chères encore les conceptions diverses incarnées dans ces blocs de pierre taillés et ornés, car seules ces conceptions peuvent consoler, racheter la chétive existence du peuple qui habite là, sans autre but apparent que de finir dans un misérable cercueil raboté à la hâte, sous ce sol humide, sous ces vents gris et froids qui soufflent de la mer. »
En 1794, il y a cent ans, un homme mourait à Londres dont le nom, j’imagine, sera désormais associé à celui de M. Pater dans la liste des maîtres de la prose anglaise ; car avec un caractère, un esprit et des procédés exactement opposés, il a été lui aussi un amant passionné de la perfection. Ce grand homme était Édouard Gibbon, l’auteur de La Décadence et la chute de l’Empire romain. La Société Historique anglaise s’apprêtera fêter le centenaire de sa mort ; et c’est à ce propos que l’infatigable M. Frédéric Harrisson publie, dans la Nineteenth Century, une façon d’éloge, plein de documens curieux et d’ingénieuses pensées.
M. Harrisson demande, notamment, qu’on édite enfin dans leur texte original et complet les Mémoires de Gibbon. L’exécuteur