Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/926

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

onéreuse, reste la base de tout notre édifice agricole ; le produire à bon compte, le problème dont la solution est la plus urgente ; et comme nous osions le prédire l’an dernier, la terrible sécheresse que nous avons subie, la pénurie de fourrages qu’elle a occasionnée, n’ont pas été sans quelques avantages. Tous les journaux agricoles sont remplis d’indications sur l’utilisation, par le bétail, des feuilles d’arbres, des ramilles, et il est vraisemblable qu’une fois l’habitude prise de ne plus dédaigner les ressources forestières, de soumettre à une exploitation régulière les prairies en l’air, on n’y renoncera plus.

En outre, là où le fumier est rare, on commence à employer plus souvent les engrais verts ; depuis que MM. Hellriegel et Wilfarth nous ont démontré que les légumineuses fixent l’azote de l’air, nous commençons à comprendre l’immense parti qu’on en peut tirer, non plus seulement comme ressource fourragère, mais comme productrices d’engrais, soit que dans les terres à bon marché on consacre toute une saison à les cultiver pour les enfouir à l’automne, soit, ce qui est facile à pratiquer, même dans les pays où le prix de location est élevé, qu’on les sème seulement après la moisson, en cultures dérobées, pour les enterrer par les grands labours d’automne. Les engrais verts sont les succédanés du fumier, ils apportent comme lui, outre des matières azotées, les principes végétaux qui se transforment en humus, et conservent au sol un de ses plus précieux élémens.

Enfin, nous savons où trouver aujourd’hui les phosphates ; le marché est bien garni, l’Europe, l’Amérique, exploitent régulièrement les gisemens signalés ; notre Algérie et notre Tunisie ajoutent leur contingent, et les découvertes de ces engrais se sont succédé si rapidement depuis trente ans, que l’avenir nous réserve certainement des ressources inépuisables. Nous n’avons donc aucune crainte que les phosphates fassent défaut ; il en est de même de la potasse, dont au reste l’efficacité est moindre, car la plupart des sols argileux renferment d’assez larges approvisionnemens pour que l’acquisition des sels de potasse soit souvent inutile.

Ainsi à l’aide du fumier de ferme ou des engrais verts nous assurons à nos sols l’humus et les matières organiques azotées nécessaires à la végétation ; les gisemens de phosphates et de sels de potasse actuellement en exploitation nous fourniront pendant de longues années tous les engrais minéraux nécessaires… Tout cela cependant est encore insuffisant. Pour atteindre les hauts rendemens, seules sources des bénéfices qui fuient devant nous, malgré la condescendance du législateur à remanier, à chaque