Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/907

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le sol présentera à leurs racines des matières ulmiques dissoutes ; or, dans la terre, les matières ulmiques sont souvent combinées à la chaux, qui les rend insolubles ; dans les laboratoires, quand nous voulons les extraire, il faut commencer par détruire cette combinaison à l’aide de l’acide chlorhydrique étendu : il dissout la chaux, et quand, après avoir expulsé le chlorure de calcium, formé par des lavages, on ajoute à la terre ainsi traitée du carbonate de potasse, on obtient une liqueur très colorée, très chargée de matières ulmiques.

Visiblement le plâtre, le sulfate de chaux, n’est pas par lui-même un dissolvant des matières ulmiques ; il ne peut agir qu’en provoquant des réactions secondaires, et j’ai reconnu, en effet, il y a très longtemps déjà, qu’une terre plâtrée abandonne à l’eau une quantité de potasse bien plus considérable que celle qu’on peut extraire d’une même terre sans addition. Boussingault avait trouvé, en outre, que les cendres d’un trèfle plâtré sont plus riches en potasse, mais non en acide sulfurique, que celles d’un autre trèfle venu sur une terre semblable privée de cet amendement. C’est, en effet, en agissant sur la potasse contenue dans le sol, en déterminant à l’aide de cette potasse la dissolution des matières ulmiques, que le plâtre est favorable.

Une expérience très simple permet de concevoir comment le plâtre mobilise la potasse du sol : on agite avec de la terre une dissolution de carbonate de potasse étendu dont la teneur en alcali a été rigoureusement déterminée ; si, après cette agitation, on filtre et qu’on détermine le titre de la dissolution alcaline, on voit qu’il a singulièrement baissé, souvent des quatre cinquièmes. La terre absorbe, retient, insolubilise la potasse ; c’est une action analogue à celle du noir animal retenant les matières colorantes.

Si, au lieu d’agiter avec de la terre du carbonate de potasse, on emploie une dissolution de sulfate de potasse, on trouve que l’absorption est infiniment moindre. Combinée à l’acide sulfurique, la potasse circule dans le sol, tandis qu’elle est arrêtée quand elle est unie à l’acide carbonique ; et tout de suite nous comprenons que le plâtre, le sulfate de chaux, en agissant sur le carbonate de potasse, l’amène à l’état de sulfate par échange des bases et des acides. Ajouter à un sol du plâtre, c’est donc y provoquer la formation du sulfate de potasse. Or, si on laisse en contact pendant quelques instans la combinaison des matières ulmiques et de la chaux, qui, nous l’avons dit, est très peu soluble, avec du sulfate de potasse, on voit la liqueur se colorer ; la matière ulmique se dissout, le sulfate de potasse a formé, au contact du carbonate de chaux qui englobait la matière ulmique, du