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sulfurique que dans les cendres d’un trèfle qui n’a pas reçu de plâtre : ce sel n’a donc pas pénétré en nature dans la plante, comme l’aurait fait un nitrate ou un phosphate, le plâtre n’est donc pas un engrais, c’est une matière destinée à agir sur la terre pour modifier, métamorphoser les substances qu’elle renferme à l’état insoluble, pour les rendre assimilables ; c’est un amendement. Il n’en est plus tout à fait de même de la marne et de la chaux, dont nous allons nous occuper d’abord : elles sont à la fois engrais et amendemens.


I

Pour que ces amendemens calcaires exercent leur action, il faut qu’ils soient incorporés à la terre, ce qui n’est possible qu’autant qu’ils sont réduits en poudre. Or, on trouve dans un grand nombre de terrains, souvent à une faible profondeur, des pierres formées d’un mélange de carbonate de chaux et de matières argileuses, désignées sous le nom de marnes, qui se délitent dans l’eau et se réduisent en poudre sous l’influence de la gelée : quand une marne déposée dans un champ est mouillée, l’argile qu’elle renferme se délaie : de là des ruptures dans la masse, qui se réduit déjà en menus fragmens. À cette première action de la pluie se joint, pendant l’hiver, la force expansive de la gelée : la marne gorgée d’eau, grâce à l’argile qu’elle renferme, se pulvérise au moment où l’eau augmente de volume en se solidifiant, et dès lors la poudre calcaire répandue sur le sol peut y être incorporée par les labours.

Il semble que l’emploi de la marne remonte à une haute antiquité ; au moins Pline rapporte-t-il que les Gaulois et les Bretons en faisaient usage. Pendant les temps troublés du moyen âge, l’épandage de la marne se conserva dans certaines contrées, notamment sur le plateau argileux de la Brie, dans le Valois : c’est là que Bernard de Palissy apprécia son heureuse influence et que, désireux de répandre en Saintonge l’usage de la marne, où il paraissait inconnu, il lui consacra, en 1580, un de ses fameux dialogues entre Théorique et Practique.

Bien que depuis les époques les plus reculées les hommes aient su calciner les calcaires pour les transformer en chaux, en séparant l’acide carbonique avec lequel la chaux est unie dans le marbre, la pierre à bâtir, etc., qu’ils aient remarqué, en outre, que la chaux, mouillée après calcination, se gonfle, foisonne, puis se brise et finit par tomber en poussière si blanche qu’elle a reçu le nom de farine de chaux, il ne semble pas qu’on ait habituellement