d’une composition mythologique à un épisode religieux. C’est ainsi que, vers 1638, il peignit pour la sacristie d’un couvent de Bénédictins fréquenté par la cour le grand Christ en croix qui se trouve aujourd’hui au Prado. Dans un ouvrage de ce genre il était évidemment forcé de se conformer aux formules consacrées. Sans chercher en rien à le modifier, il accepte le programme qui lui est imposé. Le corps mince, allongé, vu de face, se détache avec sa blancheur d’ivoire sur un fond d’un noir intense. Seule, la tête, légèrement inclinée vers la gauche et à demi cachée par la longue chevelure, donne un peu de jeu et de mouvement à cette silhouette régulièrement symétrique. L’exécution très appliquée, peu visible, témoigne d’un soin respectueux. Comme nous sommes en Espagne, l’artiste n’a pas ménagé le sang qui s’écoule avec abondance des plaies du divin Supplicié ; mais, pour confesser sa foi, le croyant a mis sur les traits de cet auguste visage, avec un air de résignation, la majesté solennelle de la mort.
En dépit des règles rigoureuses qui présidaient à la représentation des sujets religieux, Velazquez a su parfois, en les traitant, montrer l’originalité dont il avait fait preuve, dès sa jeunesse, dans son Adoration des Mages. Le Christ à la colonne, acquis assez récemment par la National Gallery, nous en fournirait au besoin un nouvel exemple. Emprunté au récit de la Passion, cet épisode, tel du moins que l’a compris le peintre, n’avait jamais inspiré ses devanciers. Après avoir subi les railleries et les insultes de ses persécuteurs, le Christ vient d’être abandonné dans sa prison par ses bourreaux. Les fouets avec lesquels ils l’ont flagellé sont à côté de lui, et, assis à demi nu sur le sol, les mains liées, portant sur son corps les traces des violences qu’il a subies, il tourne péniblement sa tête vers un petit enfant agenouillé près de lui qui le prie avec recueillement. À côté de l’enfant, un ange debout attire son attention vers le Christ. Sauf le brun orangé et le rouge laqueux du costume de eut ange, la tonalité générale est grisâtre, et la tristesse de ces colorations volontairement amorties donne à la scène un aspect très saisissant. Tandis que dans le tableau précédent le corps du Christ paraît grêle, étiré, l’artiste cette fois a donné plus d’ampleur à ses proportions, comme pour mieux marquer le contraste de cette nature vigoureuse abattue en pleine jeunesse par les tortures auxquelles elle est en butte.
Bien que datant de la fin de la vie de Velazquez, le Couronnement de la Vierge, qui appartient au musée du Prado, déroute au premier abord par son étrangeté et par je ne sais quelle ressemblance avec les tableaux des peintres de la décadence italienne, Barroccio notamment. Ces sujets mystiques, dont la grâce un peu