concitoyens d’un théâtre, ce qui excite chez eux une telle reconnaissance qu’ils lui élèvent cinq statues à la fois. À Théveste (Tébessa) un officier supérieur de la légion, en sus d’une somme considérable qu’il légua à la ville pour donner des jeux et orner des temples, y bâtit un arc de triomphe tétrastyle en l’honneur de Caracalla et de la dynastie africaine des Sévères. C’est celui qui existe encore à l’entrée de Tébessa et qui fait l’admiration des voyageurs. Il avait coûté 50 000 francs. Le désir de tous ces généreux citoyens était d’embellir leur patrie, exornare patriam, comme disait la grande dame de Calama. On avait alors la passion de la magnificence ; chacun voulait que sa ville eût grand air et fût plus somptueuse que celles qui l’entouraient. De là ce grand nombre de monumens dont les ruines nous surprennent. Mais notre surprise augmente quand nous songeons qu’on les a bâtis sans épuiser les finances municipales ou recourir à des subventions de l’État, et qu’on les doit presque tous à la libéralité des particuliers.
Il est impossible qu’en parcourant le Forum de Timgad nous ne soyons pas frappés de voir que presque tous les monumens qu’il renferme ont été élevés en l’honneur des princes et leur sont consacrés. C’est ce que nous avions déjà remarqué à Lambèse ; mais Lambèse est une ville militaire, et il semble naturel que l’empereur y ait été particulièrement honoré. Il est le commandant en chef, l’imperator de l’armée, qui porte son image sur ses enseignes ; il prend les auspices pour elle ; il est censé présent quand elle combat ; il triomphe quand elle est victorieuse. On est un peu plus surpris de voir qu’en dehors de l’armée l’empereur reçoive les mêmes hommages que dans les camps, et que ce qui se passe à Lambèse se reproduise partout. Il n’y a pas, dans tout l’empire, de villes ou de villages, dans les contrées les plus lointaines, les moins connues, où ne se retrouvent ces témoignages de respect et de dévouement. Il est difficile d’admettre qu’il n’y ait dans ces protestations unanimes qu’une complicité de servilité et de flatterie, et que le monde entier, pendant quatre siècles, se soit entendu pour mentir. N’oublions pas que ces hommages ne s’adressent pas seulement à un homme : Rome les partage avec lui. Quelquefois on le dit expressément (Romae et Augusto) ; dans les provinces où la formule entière n’est pas usitée, comme en Afrique, il faut la sous-entendre. En célébrant l’empereur, c’est Rome qu’on remercie de la paix qu’elle donne au monde, et comme les mauvais princes la maintiennent presque aussi vigoureusement que les bons, et que, selon le mot de Tacite, leur tyrannie pèse surtout sur ceux qui vivent dans leur voisinage, quand on a la