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que, entre autres inscriptions, on y a trouvé celles qui contiennent la liste des décurions de Timgad au IVe siècle.

Le monument qu’on avait construit de l’autre côté, vers le nord, pour faire pendant à la curie, est en fort mauvais état ; il semble avoir plus souffert que les autres des tremblemens de terre. Cependant on reconnaît que c’était un temple, mais on ignore à quel dieu il était consacré. Sur la façade, un ancien centurion de la légion de Lambèse, après avoir reçu son congé, avait élevé deux statues en l’honneur de la victoire de Trajan sur les Partlies (Victoriae Parthicae Augustae sacrum). Cette façade présente une particularité remarquable : elle n’est pas précédée, comme les autres, d’un large escalier pour monter au temple ; l’escalier est relégué sur les côtés, tandis qu’au-devant du temple s’étend une plate-forme qui devait être entourée d’une balustrade. La même disposition se retrouve à Pompéi, au-devant du temple de Jupiter, qui occupe le fond du Forum. À Timgad, comme à Pompéi, cette plate-forme qui s’avance sur la place publique devait être l’endroit d’où les magistrats parlaient au peuple. Les municipes africains possédaient leur tribune aux harangues, comme la métropole, et nous savons qu’ils n’hésitaient pas à lui donner le nom glorieux de rostra. Il y avait donc des rostres à Timgad, et l’on a remarqué que la colonnade qui entoure toute la place s’interrompt brusquement devant eux. Il fallait en effet que celui qui parlait du haut de la plate-forme eût un espace libre en face de lui, et que de partout on pût le voir et l’entendre ; — ce qui montre bien que, même dans ce petit municipe, aux extrémités du monde civilisé, à quelques lieues du Sahara, on attachait du prix à la parole et que la tribune y avait son importance.


II

Ne quittons pas ce Forum désert sans essayer d’entrevoir ce qu’il devait être et ce qu’on y venait faire quand la ville était peuplée et vivante. Quelques mots suffiront pour dire ce qu’on en peut savoir.

C’était d’abord, pour une grande partie des habitans, un lieu de réunion et de promenade. Les oisifs venaient chercher sous ces portiques un abri pour les jours de pluie et un peu d’ombre pendant les jours d’été ; on y causait sans doute de ce qui fait l’entretien des petites villes ; on y formait de ces réunions en plein air, qu’on appelait des circuli, dans lesquelles on racontait et au besoin on inventait les nouvelles, et où l’on se donnait même le plaisir de médire parfois de l’autorité. Les plus désœuvrés