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du XXe siècle, et nous choisirons pour président le même John Henry Barrows. »

La cité sainte des Hindous, sur les bords du Gange, non loin de la résidence d’Akbar, serait, assurément, un lieu de réunion digne d’un congrès des religions. La grandeur des souvenirs et la beauté de la nature indienne feraient à ce parlement un cadre magnifique. Mais Bénarès est fort loin de l’Europe et très près du foyer du choléra. On fera donc bien de chercher un rendez-vous plus central et plus salubre.

Quant à la réunion même d’un deuxième congrès des religions, je ne la crois pas, pour ma part, impossible. En effet, il est constant que le progrès des sciences, l’étude comparée des religions, le développement du commerce et la rapidité des moyens de communication entre les parties du monde ont rapproché les hommes de toute race. L’unification économique et scientifique des peuples a frayé la voie à l’unité morale et religieuse. Et la fédération des religions, à son tour, en unissant les hommes par le lien le plus fort qui existe, hâtera l’ouverture d’une ère de paix pour l’humanité : l’arbitrage sera de plus en plus substitué à la guerre pour résoudre les conflits entre les nations. Mais, pour que l’expérience ne tourne pas contre le but qu’on se propose, deux ou trois conditions me semblent nécessaires. Il est désirable qu’on se réunisse dans un pays mixte quant à la religion, où les Églises soient indépendantes de l’État ou à peu près, car là seulement on rencontrera des ecclésiastiques à la fois convaincus et tolérans. Puis, il faut bien se garder de prendre pour base d’union un symbole dogmatique ou sacramentel, mais donner au futur congrès les deux mêmes larges assises qu’à Chicago : la paternité de Dieu et la fraternité humaine.

Les anciens Slaves n’avaient pas de temples, ils célébraient leur culte sous la voûte du ciel, parce qu’ils pensaient que tout édifice bâti de main d’homme était trop étroit pour contenir la majesté divine. Il en est de même de la réunion des Églises : il n’est pas de credo, il n’est pas de rite, il n’est pas de temple capable de les rapprocher. Le cœur seul est assez grand pour les embrasser, l’amour divin est seul assez fort pour inspirer le sacrifice des formes particulières.


G. BONET-MAURY.