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parlement des religions. L’assemblée générale de l’Église presbytérienne n’y avait pas de délégué officiel ; le refus de l’archevêque de Cantorbéry avait entraîné l’abstention d’un grand nombre de membres des Églises épiscopales d’Angleterre et d’Amérique ; enfin ni les églises catholiques-romaines d’Europe, ni l’Islamisme, n’y avaient de représentais. D’ailleurs, pendant dix-sept jours qu’a duré cette assemblée, il n’y a pas eu un seul conflit, pas une querelle, pas une seule parole d’amertume ; à peine si l’on a entendu deux ou trois dissonances dans cette belle symphonie des croyances.

En somme, si l’on compare le congrès de Chicago aux tentatives de réunion faites précédemment à Lucerne et à Jérusalem, on peut dire qu’il a eu un caractère plus largement conciliant et plus réellement œcuménique. À Lucerne, on avait rapproché anglicans, grecs et vieux-catholiques, mais on avait exclu les catholiques romains. À Jérusalem, on a laissé dehors les anglicans, les vieux-catholiques et les protestans libéraux. Ces deux tentatives devaient être infructueuses, comme le sera tout essai de ce genre, parce qu’elles avaient adopté pour base des symboles dogmatiques ou la suprématie d’un chef d’Église, et que rien ne divise les hommes comme les questions de préséance ou de formules. Déjà, pourtant, les promoteurs du congrès de Jérusalem étaient entrés dans une voie plus favorable à l’union, en opérant le rapprochement sur le terrain liturgique, c’est-à-dire sur la base du sentiment religieux. Si le congrès de Chicago a eu des résultats plus durables, c’est précisément parce qu’il s’est maintenu sur ce terrain de l’adoration, exprimée par la prière et par des hymnes, et de la philanthropie se manifestant par les œuvres de charité et de relèvement moral. Rien d’aussi communicatif que la pitié pour les souffrances humaines. Le commerce actif de pensées généreuses, de sentimens de charité et de dévouement qui s’est fait à ce parlement a créé un lien de sympathie, et même d’amitié, entre ces prêtres, hier encore étrangers, et peut-être hostiles. C’est que, sous la robe du prêtre, on a senti battre le cœur de l’homme.

Aussi, au moment de se quitter, tout le monde éprouvait le désir de se revoir ; beaucoup de ces payens avaient les larmes dans les yeux et un vœu se pressait au fond de tous les cœurs : « Ne pourrait-on pas recommencer ces fraternelles agapes de Chicago ? N’y aurait-il pas moyen de rendre un tel parlement des religions périodique ? » Le révérend Lloyd Jones s’est fait l’interprète d’un sentiment très général, quand il présenta cette motion à la dernière séance : « Je vois déjà en pensée le prochain Parlement des religions, plus glorieux et plus plein de promesses que celui-ci. Je propose qu’on le tienne à Bénarès, en la première année