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professeur A. Sabatier, étant parvenus à la conscience du caractère symbolique et de la valeur relative de leurs cultes, ont découvert leur parenté intime et originelle. Toutes ces religions apparaissent alors à l’homme comme les dialectes d’une même langue universelle, et il devient plus facile de les traduire l’une dans l’autre. »

Un troisième et heureux résultat du congrès de Chicago, c’est qu’il a fait disparaître bien des préjugés et des rancunes réciproques : il a offert un beau spectacle de tolérance et de concorde. À ne considérer que les confessions chrétiennes, des catholiques romains et des anglicans, des grecs-orthodoxes et des protestans ont échangé loyalement leurs idées et, en face de cette phalange payenne, qui leur servait pour ainsi dire de repoussoir, ils ont trouvé d’instinct le moyen de s’entendre. Les déclarations de Mgr Keane et de Mgr Redwood sur la liberté de conscience et la réforme de l’Église ont offert de sérieuses garanties aux libéraux les plus exigeans et, en revanche, les hommages rendus par les révérends Barrows et Ph. Schaff à la sagesse de Léon XIII et de plusieurs autres grands papes ont prouvé aux catholiques que les protestans savaient s’incliner devant les saints et les héros d’une autre Église que la leur, quand leur prestige se fonde sur la vraie cause de toute supériorité : un noble caractère et une foi sincère. Tout le monde est tombé d’accord pour mettre un terme aux luttes confessionnelles et conclure une sorte de « trêve de Dieu ».

C’est surtout au sein des Églises protestantes que le congrès a produit un mouvement salutaire de concentration.

« Jamais, nous écrit-on de Chicago, on n’a tant parlé de la réunion des Églises d’Amérique que cette année. Le levain déposé par le parlement des religions fait son œuvre et agit rapidement. Cela a été un des sujets les plus importans traités dans la session de l’Alliance évangélique, en octobre 1893. On sent qu’il faut établir une sorte de confédération ou de coopération des Églises, tant pour l’œuvre de la mission intérieure que pour celle des missions étrangères. Un comité s’est déjà constitué sous la présidence du révérend Barrows, pour voir si l’on pourrait former un lien plus étroit entre les sociétés de missions chez les payens. Le signe le plus réjouissant, c’est le succès des « sociétés d’effort chrétien » (Christian Endeavor) qui ont déjà groupé près de 2 millions de jeunes gens, appartenant à 30 sectes différentes. Enfin, un parlement des chrétiens d’Amérique est convoqué à Chautauqua (Long Island), le 20 juillet, par l’initiative de M. Théodore Seward « pour étudier les moyens pratiques de réaliser la fédération des Églises. »

Ces résultats multiples ne doivent pas néanmoins nous faire oublier les sérieuses lacunes qu’a présentées ce premier