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et meurt en terre, afin de se reproduire au centuple ; de même l’homme qui consume sa vie pour Dieu, la garde pour l’éternité. La mort, c’est-à-dire la destruction du moi égoïste et charnel a été et sera toujours le prix à payer pour atteindre Dieu. Qui a pu dire : Que ta volonté soit faite et non la mienne ? Celui-là seul qui a lutté avec la coupe amère de l’agonie, celui qui ne songeait qu’à servir Dieu et les hommes, tandis que le meurtrier était à la porte.

« Appelez cela renoncement, appelez cela stoïcisme, appelez-cela mort : le fait est que celui-là seul qui meurt à soi-même peut trouver le repos en Dieu et la réconciliation avec l’homme.

« Cette grande loi d’abnégation, de souffrance de mort, a pour symbole cette croix mystique, qui vous est si chère et qui m’est chère aussi. Chrétiens ! répudierez-vous jamais le Calvaire ? L’union de volonté et de caractère est le plus haut, mais le plus difficile degré de l’union avec Dieu. »

Y a-t-il beaucoup de catholiques ou de protestans qui aient pénétré si avant dans le mystère de la rédemption ? Quand un païen en est arrivé là, ne peut-on pas lui appliquer l’éloge que Jésus donnait à Nathanaël : « Voici un Israélite en qui il n’y a point de fraude. » Voilà un croyant auquel il ne manque de chrétien que le nom !

Il n’y a pas manqué de « Nathanaël » au congrès de Chicago.

Sans doute, il y a eu des rabbins qui représentaient le judaïsme orthodoxe, ritualiste, celui qui ne voit point de salut hors de la loi de la circoncision et de la viande « kascher ». Tel a été le rabbin Pereira Mendez, de la synagogue hispano-portugaise de New-York. Après avoir revendiqué pour Moïse la gloire d’avoir le premier doté l’humanité d’un code de morale et rappelé que les prophètes d’Israël avaient les premiers émis les idées de paix, de fraternité, de bonheur universel, il a recherché par quels moyens ils avaient accompli leur œuvre. Il en a relevé deux : un principe de séparation, de rupture absolue avec le monde des païens et un acte de protestation contre leurs erreurs et leurs vices. Et M. Pereira Mendez a conclu en disant que les Juifs devaient continuer à vivre à part des Gentils, et à protester contre tout ce qui est contraire à la loi de Moïse, jusqu’à la réparation de toute injustice et jusqu’à la restauration d’un royaume d’Israël en Palestine, qui s’étendra du Nil à l’Euphrate.

Mais la plupart des rabbins, manifestement imbus d’idées bibliques pendant leur séjour aux universités, ont exposé des doctrines très voisines du christianisme. Par exemple, M. Isaac Wise, professeur à Cincinnati, a établi que le judaïsme reposait sur les quatre dogmes fondamentaux : la croyance à un Dieu vivant, à la révélation, à la loi morale et à la sanction future du bien et du