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III

Le congrès religieux de Chicago, — s’il n’a été ni un concile, ni un parlement en ce sens qu’on n’y a ni discuté, ni voté, ni excommunié personne, — a eu du moins les caractères d’une assemblée vraiment œcuménique. C’étaient des hommes de foi, venus de tout pays et de toute Église, qui se réunissaient, avec le désir sincère et ardent d’aborder les plus urgens problèmes de la religion et de la philanthropie. On trouvera dans les deux volumes du Hev. Barrows les témoignages recueillis sur ces questions et sur la situation religieuse des pays représentés. Nous nous contenterons ici d’en marquer les trois traits principaux : l’attitude réciproque des païens et des organes du christianisme ; les rapports de ces derniers avec le judaïsme ; enfin et surtout le rapprochement qui s’est produit entre les diverses branches de la chrétienté.

L’attitude des ecclésiastiques et des missionnaires vis-à-vis des païens a été, à peu d’exceptions près, d’une courtoisie parfaite, mieux encore, d’une franche sympathie ; en quoi le pasteur J.-H. Barrows a donné le bon exemple. C’est aux païens qu’il avait procuré un gîte dans les maisons les plus hospitalières, c’est à eux qu’il réservait les places le plus en vue sur l’estrade, c’est à eux qu’il a fait la part la plus large, pour le nombre ou la longueur des discours. Et non sans raison ! Les délégués du Japon, de la Chine et de l’Inde n’avaient-ils pas eu à franchir les plus grandes distances par terre et par mer, pour se rendre à Chicago ? N’était-ce pas leur témoignage qui importait le plus dans cette vaste enquête sur les croyances ? N’était-ce pas sur eux que l’on comptait, comme sur les champions les plus vaillans de la cause de la pacification religieuse ? Ces soins n’ont pas été vains ; les païens ont été fort sensibles à cet accueil des clergymen américains et des dames américaines, — si sensibles même que l’un d’eux, un vénérable grand prêtre du shintoïsme, au mépris de tous les usages, a embrassé une lady en pleine séance, et tant était grand l’enthousiasme qu’il n’a recueilli que des applaudissemens ! Tous ont exprimé leur reconnaissance, dans les discours d’adieux, tout en soulignant avec une fine ironie le contraste remarqué entre les égards qu’on leur montrait à Chicago, et les procédés arbitraires dont ils avaient eu à souffrir dans leur pays, de la part des soi-disant chrétiens.

Bien que les païens laïques, les bonzes et les brahmanes aient fait preuve en général d’une politesse, d’une réserve qui allait parfois jusqu’à voiler les caractères offensifs du polythéisme, — les idoles polycéphales et les rites cruels ou lascifs, — on a pu fort bien