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5o l’humanité. La fraternité des peuples, la justice internationale et l’arbitrage.

III. La situation actuelle de la religion : perspectives d’union des Églises chrétiennes et d’union religieuse de la famille humaine. La religion universelle et dernière.

Si j’ajoute que, en même temps que ce congrès universel, devaient se tenir des congrès particuliers de toutes les Églises : catholique, presbytérienne, unitaire, israélite, etc., on avouera qu’il était impossible de tracer un programme plus large et qui répondît mieux à la majesté de la religion. Le règlement d’ordre n’était pas moins sage. On ne devait pas discuter en séance publique ; les débats et demandes d’explications étaient renvoyés à une section scientifique, qui siégea dans une plus petite salle, concurremment avec les séances de la salle Christophe-Colomb et où furent lus les mémoires d’un caractère moins populaire. Les représentans de chaque religion furent invités à exposer les lacunes essentielles de leur culte respectif.

Mais, malgré toutes ces mesures de prudence, les anciens conciles et synodes ont fait aux théologiens une si mauvaise réputation en fait de tolérance, que le projet d’un parlement des religions rencontra d’abord plus d’adversaires ou d’incrédules que d’adhérens. On lui prédit le sort de la tour de Babel. Sa propre Église refusa de seconder le pasteur Barrows dans son entreprise. Il essuya aussi, au dehors, plusieurs refus, entre autres, du sultan de Turquie, chef de l’islamisme ; de l’Assemblée générale de l’Église presbytérienne d’Amérique (1892) ; de la plupart des pasteurs de l’Église épiscopale des États-Unis. Un de ceux auxquels il fut le plus sensible fut celui de l’archevêque de Cantorbéry, primat de l’Église anglicane ; il était conçu en ces termes :

« Le christianisme est la religion unique. Je ne puis comprendre comment cette religion peut être regardée comme membre d’un parlement des religions, sans qu’on place les autres cultes sur un pied d’égalité avec elle. D’ailleurs, votre programme admet que l’Église de Rome est l’Église catholique et traite l’Église épiscopale d’Amérique et, par analogie, l’Église d’Angleterre comme étant hors de l’Église catholique ; or cette situation qui nous est faite est intolérable. »

Mais le pasteur Barrows est un de ces hommes de la trempe de Christophe Colomb, qui non seulement ont foi dans une idée, mais qui ont assez d’énergie pour lutter et, au besoin, souffrir pour elle, parce qu’elle s’identifie pour eux avec la cause du Christ. C’est un homme d’une quarantaine d’années, qui joint à l’ardeur du tempérament français le sang-froid et la persévérance d’un Anglo-Saxon ; son front large et dégarni est celui d’un