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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet.


Les Chambres ont été mises en congé, un peu brusquement, samedi 28 juillet. Elles avaient été réunies ce jour-là pour voter divers projets qui auraient encore engagé quelques millions de dépenses. S’il est vrai, comme on le dit, et les apparences n’y contredisent pas, qu’une question gênante de M. Paschal Grousset ait précipité le départ du Parlement, M. Paschal Grousset a rendu pour la première fois un service à son pays, du moins un service financier. Pendant les dix derniers jours de sa session, la Chambre a voté sans s’en apercevoir, au milieu de la confusion des débuts de séance, une quarantaine de millions de dépenses nouvelles. Heureusement M. Paschal Grousset est intervenu, avec la menace d’une question rétrospective sur le grand complot boulangiste dénoncé par M. Paul de Cassagnac, l’un des conspirateurs, et M. le président du Conseil est monté subitement à la tribune pour prononcer le sacramentel : Claudite jam rivos, pueri, c’est-à-dire pour donner lecture du décret de clôture de la session. Il y a eu un grand brouhaha, après quoi on s’est séparé, et il en était temps. La Chambre, saturée de rhétorique, était arrivée à un point d’énervement qui n’était pas sans danger.

La grande affaire de la quinzaine a été la discussion et le vote de la loi contre les menées anarchistes. À la fin de l’année dernière, au lendemain de l’attentat commis par Vaillant au Palais-Bourbon, M. Casimir-Perier avait présenté et fait voter, presque au pied levé, quatre lois qui infligeaient des peines plus sévères à un certain nombre de délits ; mais elles ne créaient pas de délits nouveaux et elles ne changeaient rien à la juridiction établie. La loi présentée par M. Charles Dupuy avait un autre caractère : elle créait un délit, celui de propagande anarchiste, et le renvoyait devant les tribunaux correctionnels, au lieu du jury, avec cette circonstance particulière que le délit, pour exister, n’avait besoin ni d’être suivi d’un commencement d’exécution, ni d’avoir été commis publiquement. Il pouvait résulter de correspondances ou de conversations privées : — peut-être même serait-il plus exact de dire qu’il ne se produisait que dans ces conditions secrètes et confidentielles ; mais la vérité est que nous n’en savons rien,