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nos principaux débouchés que de l’amoindrissement de ceux qui nous restent. »

Le bureau de l’association lainière qui s’était constituée pour la défense de ses intérêts industriels menacés, a fait ce que fait tout d’abord en France quiconque se croit lésé par un phénomène économique : il s’est tourné vers l’État et est allé réclamer la bienveillance du ministre du Commerce. Mais justement le cabinet venait de tomber, et le titulaire du Commerce avait cédé la place à un autre personnage. Peu importait d’ailleurs, pourvu qu’il promît sa bienveillance, et naturellement il la promit. À quelque temps de là, on entendit une bouche officielle tenir un langage extraordinaire, merveilleux, un ministre faisant l’éloge de l’initiative individuelle, parlant contre la tutelle de l’État. Et cet audacieux était le ministre de l’Agriculture, prononçant son discours professionnel au concours régional de Lille. Nous citons textuellement : « … Il est un fait qu’il faut dégager par-dessus tout : cette œuvre (l’agriculture dans la région flamande) a été accomplie sous l’égide des libres institutions de la vieille Flandre que la conquête avait respectées ; c’est donc non seulement l’agriculture de la région qu’il faut louer : il est nécessaire d’y joindre le tribut de notre admiration pour les merveilles accomplies par l’initiative individuelle sous le régime de la liberté. Et partout où l’homme seul n’a pu triompher des difficultés naturelles, c’est au principe fécond de l’association qu’il a eu recours, mais en repoussant la tutelle de l’État, en conservant soigneusement l’idée tutélaire de la propriété individuelle, dont le stimulant a produit de merveilleux effets. » Belles paroles, et bonnes à méditer pour les fanatiques de l’État-providence !


AUGUSTE MOIREAU.