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Ce qui rassure toutefois, c’est que dans l’industrie agricole, il y a d’autres branches que la culture des céréales, et que, si Las que soient les prix pour tous les produits, il y a plusieurs de ces branches encore où des profits sont possibles. Lors donc que l’on proclame à la tribune que l’agriculture n’est plus rémunératrice, il y a bien des chances pour que cette assertion soit exagérée et n’ait été produite, avec la persistance que l’on a vue, que pour aider à obtenir un allégement de charges fiscales ou un relèvement de droits de douane. On ne saurait trop rappeler que, de toutes les industries françaises, l’agriculture est encore la plus importante par la valeur de ses produits, la masse des capitaux qu’elle met en œuvre, le nombre des bras qu’elle occupe, la variété et le chiffre des transactions auxquelles elle donne lieu, et qu’à trop étaler ses misères devant l’opinion publique, on risque de la très mal servir, en éloignant d’elle non seulement les capitaux, mais aussi les intelligences et les activités qu’elle peut et doit attirer.

La valeur des produits de l’agriculture se chiffre par un nombre respectable de milliards. Des évaluations, très optimistes il est vrai, présentées en 1891 à la Société nationale d’agriculture sur le total que pouvaient atteindre ces milliards, avaient éveillé l’attention et provoqué des controverses. M. Levasseur parla de 14 à 16 milliards pour 1890. C’était une estimation bien élevée et la baisse générale des prix devrait la réduire sensiblement pour 1893. Dans des études récentes, M. Zolla[1] exprime cependant la conviction que le produit brut de l’industrie agricole, après déduction de tous doubles emplois, dépasse 11 milliards ; or la valeur du produit brut de l’industrie française proprement dite, considérée dans son ensemble, est de 12 milliards, chiffre qui contient la valeur des matières premières en même temps que la plus-value que leur a donnée le travail industriel.

Le produit brut de l’agriculture atteint donc à peu près la même valeur totale que celui de toute l’industrie française. Ajoutons que, si la population industrielle dépasse en notre pays 9 millions de personnes, le chiffre de la population agricole est deux fois plus considérable, atteignant 18 millions, c’est-à-dire presque la moitié de toute la population française. Quant aux capitaux d’exploitation, représentés par le bétail, les fourrages, les semences, les instrumens agricoles, on les peut évaluer à plus de 13 milliards.

Un point sur lequel les amis de l’agriculture ne sauraient trop

  1. Les Questions agricoles d’hier et d’aujourd’hui.