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d’être épuisés, et comment s’en étonner lorsque, d’après les plus sérieuses autorités, la production moyenne du blé dans le monde entier, pendant les trois dernières années, aurait été de 819 millions d’hectolitres par an, contre 789 millions pendant les trois années précédentes, soit une augmentation annuelle de 60 millions d’hectolitres ? En Angleterre, en Amérique, nombre de fermiers ont nourri leurs bestiaux avec leur froment plutôt que de le vendre aux prix du marché.

L’année 1893 a été particulièrement désastreuse, au point de vue agricole, pour la Grande-Bretagne : 18 millions et demi d’hectolitres de blé contre 21 on 1892 et 25 en 1894 ; 24 millions d’orge contre 26 en 1892 ; 6 millions de tonnes de pommes de terre contre 6 et demie ; 9 millions de tonnes de foin contre 12 600 000. Seule la production d’avoine accuse un accroissement. Cette malheureuse année a vu s’accentuer le mouvement de diminution des surfaces consacrées à la culture du blé et d’augmentation des pâturages qui déjà occupaient 11 millions d’hectares en 1889. L’élevage donne en effet des résultats moins mauvais que la culture, et si l’Angleterre est obligée chaque année de faire venir de l’extérieur une plus grande proportion de la quantité de blé nécessaire à son alimentation, la quantité de viande fournie par le marché intérieur s’est accrue, de même que la valeur des produits de ferme. La compensation toutefois est insuffisante.

Les agriculteurs anglais abandonnent donc de plus en plus la culture du blé, qui n’est plus rémunératrice. Les prix des autres céréales se sont également abaissés dans une proportion énorme. Une commission royale a été chargée de faire une enquête sur les causes de la détresse actuelle de l’agriculture britannique et sur les moyens d’y porter remède. D’après une communication faite à la fin d’avril dernier à cette commission par M. Giffen, la production agricole de la Grande-Bretagne en 1891 représentait une valeur totale de 222 millions de livres sterling ; elle aurait valu 300 millions si elle avait été calculée aux prix de 1874, d’où il ressort que les prix des produits ont baissé de 25 pour 100 dans cette période de dix-sept années.

Naturellement l’évaluation faite par M. Giffen n’est pas acceptée sans contradiction. Si l’on en croit sir James Caird, qui a évalué la production de 1891 à 260 millions, la baisse des prix n’aurait été que de 12 à 15 pour 100, alors que d’autres autorités la portent plus loin encore que M. Giffen, soit à 30 et même 40 pour 100. Les fermages n’ont pas baissé dans la même proportion, il s’en faut, et d’autre part les salaires se sont élevés. Dans le Northumberland les gages des ouvriers agricoles, en 1870, fixés