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occidental. Vers le milieu du siècle, après la famine irlandaise de 1847 et la révolution de 1848, a commencé la grande émigration européenne qui a porté dans ces pays neufs une énergie de travail dont le perfectionnement rapide de l’outillage industriel a presque aussitôt accru l’intensité et le rendement. Bien que les banques ne servent que comme mécanisme de distribution entre les classes qui épargnent et celles qui produisent, leur développement a contribué aux mêmes résultats que toutes les autres forces civilisatrices ; le rôle du capital s’est doublé de celui du crédit qui n’a pas tardé à devenir prépondérant.

La réduction des prix résultant de tant de causes diverses opérant vers la même "(in a été surtout accusée dans le dernier quart du siècle. Bien que la grande époque de construction des chemins de fer ait commencé en 1845, le plein effet ne s’en est fait sentir que depuis 1870. Le canal de Suez a été ouvert à peu près à la même époque, et la transformation opérée par la vapeur dans les conditions de la navigation n’est pas plus ancienne. L’année 1873 a été le point de départ d’une dépréciation générale des produits. De 1874 à 1894, le kilogramme de coton brut a fléchi de 2 fr. 75 à 1,28, le coton filé de 4,80 à 2,59, la laine brute de 3,78 à 2,15 ; le mètre de cotonnade unie de 0,47 à 0,25, de cotonnade imprimée de 0,58 à 0,35, de toile de fin de 0,85 à 0,05, de tissu de laine de 1,61 à 0,98 ; la tonne de fer brut de 112 francs à 56. En cette même année 1873 a commencé la baisse du métal argent, de 60 pence à 28, coïncidence vraiment frappante et qui a incité de savans économistes à attribuer au double phénomène une origine commune, qui serait renchérissement de l’or, l’« accroissement de valeur » du métal adopté comme la mesure commune de la valeur.

Tous les pays ayant souffert de l’avilissement continu des prix, l’hypothèse de cet enchérissement de l’or, que les Anglais désignent sous le terme appreciation, a donné lieu à de longues controverses, et occupé l’attention de commissions d’enquête, instituées à diverses reprises en France et en Angleterre, pour la recherche des causes qui font que les progrès mêmes de la civilisation semblent accroître les souffrances temporaires ou permanentes du commerce, de l’industrie et de l’agriculture. Y aurait-il une corrélation entre l’abaissement du niveau moyen des prix et une raréfaction plus ou moins continue de l’or ? M. Giffen l’a cru et avec lui M. Goschen. L’un et l’autre ont sans doute raison dans une certaine mesure ; il semble toutefois qu’ils ont surestimé l’importance de la hausse de l’or, en tant qu’elle résulterait à la fois d’une diminution de production de ce métal de 1871 à 1885