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est à Washington ; seulement le Congrès ne se hâte pas de la dégager.

Les résultats des aberrations politiques et économiques de l’Union Américaine sont surtout remarquables par la répercussion qu’elles ont eue sur l’état des finances fédérales. Il y a peu d’années le Trésor regorgeait de richesses dont il ne savait que faire. Il disposait d’excédens annuels de 500 millions de francs et rachetait la dette avec une rapidité qui faisait l’admiration des nations, toujours obérées, du vieux monde. Aujourd’hui plus d’excédens de recettes, des dépenses folles, près d’un milliard de francs pour les seules pensions militaires, un régime monétaire absurde qui, si le bill portant suspension de la frappe de l’argent n’avait été voté, condamnait à bref délai un des pays les plus riches du monde à vivre sous le régime de l’étalon d’argent, comme la Chine et le Mexique ; le désarroi en un mot, à la place de l’ancienne prospérité, et, pour l’exercice 1893-94, qui vient de se clore au 30 juin, un déficit évalué à 375 millions de francs.

Le gouvernement fédéral voit ses ressources s’épuiser rapidement. Le 1er février dernier il a dû emprunter 230 millions de francs en obligations 5 pour 100 émises à 117 pour 100, ce qui lui procura près de 300 millions ; après quatre mois à peine, il est de nouveau dans un tel état de pénurie qu’il va lui falloir encore emprunter. On voit se produire ce phénomène que le Trésor ne cesse de pomper de l’or dans les banques et dans la circulation, et, en l’accumulant ainsi, le rend si nettement disponible pour l’exportation qu’il est en effet aussitôt exporté que recueilli. Le Financial and Commercial Chronicle de New-York cherchait récemment à rassurer le public américain en déclarant inexacte l’assertion que les capitaux étrangers se retiraient des États-Unis, mais il avouait que des capitalistes américains envoient depuis plusieurs mois leurs fonds en Europe pour y rechercher des emplois plus profitables et plus sûrs que ceux que leur offre désormais l’Amérique. Un tel symptôme n’accuse-t-il pas une situation vraiment sérieuse ?

Il n’y a rien à attendre du Congrès, sur lequel le président Cleveland paraît avoir perdu toute influence. Le vote du nouveau tarif n’apportera aucun remède, ou du moins n’améliorera que faiblement cet état de choses. La seule mesure efficace serait une réduction du montant excessif de la circulation fiduciaire. C’est l’abondance de la monnaie de papier qui chasse l’or des États-Unis avec cette continuité que l’on voit depuis plus d’un an. Si l’on ne se résout à une réduction de la circulation, quelques inconvéniens qu’il en puisse résulter dans l’état actuel de crise, il ne