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notamment pour un maître des cérémonies de la cour de Philippe IV, le chanoine don Juan de Fonseca, Velazquez s’était rendu à Madrid pour y tenter la fortune. Mais à raison des trop nombreuses occupations du prince, toutes les démarches faites à ce moment pour lui procurer l’accès du palais demeurèrent infructueuses. Fonseca cependant n’avait pas perdu de vue les intérêts de son protégé, séduit qu’il était par son caractère aussi bien que par son talent, et au printemps de 1623, sans doute avec l’assentiment d’Olivarès, il l’engageait de nouveau à quitter Séville avec Pacheco, pour s’installer pendant quelque temps à Madrid. Dès son arrivée, le jeune artiste fit le portrait du chanoine qui, aussitôt terminé, fut soumis à l’approbation du roi et obtint avec ses suffrages tous ceux de la cour. Il fut décidé que Philippe IV donnerait au peintre des séances pour l’exécution d’un grand portrait équestre qui malheureusement a disparu, probablement à la suite de l’incendie du Palais Royal en 1734. Le roi, qui était représenté revêtu d’une armure et tenant en main le bâton de commandement, fut certainement satisfait du tableau, et la bonne grâce de Velazquez aidant, dès le 6 octobre 1623, il attachait l’artiste à sa personne en qualité de peintre de la cour. Les appointemens qui lui furent d’abord alloués étaient assez minimes ; mais en prenant possession de son emploi, il pouvait se rappeler avec quelque fierté que Titien avait autrefois rempli le même office auprès de Charles-Quint. Il est vrai qu’en même temps que la puissance des successeurs du grand empereur avait graduellement décliné, le talent de leurs peintres officiels, Antonio Moro, Sanchez Coello et Pantoja de la Cruz, suivait la même progression décroissante. Velazquez, en entrant au service de ce roi de dix-huit ans, allait relever le prestige de la dignité qui lui était conférée. Pendant les trente-sept années qu’il conserva ses fonctions, avec sa réputation toujours grandissante, il put voir constamment croître la confiance et le crédit dont il jouissait auprès de son maître.


III

Le beau zèle que Philippe IV avait d’abord montré pour son métier de roi ne devait guère durer. Sous le masque de la déférence calculée dont il lui prodiguait les témoignages, Olivarès l’avait peu à peu dégoûté des affaires en l’écrasant sous leur poids. À mesure que le jeune souverain se déchargeait sur son ministre de soins plus importans, la galanterie, les cérémonies officielles, les longues réceptions d’une cour formaliste, l’équitation, la chasse et les passe-temps de toute sorte tendaient de plus en plus à