laissé l’exemple. Plus d’une fois il s’oublia dans ces retraites studieuses, et Palomino nous raconte que l’ayuntamiento de Séville dut un jour lui envoyer une députation afin de l’arracher à son village natal. Confondu avec ces rudes paysans de l’Estramadure, il était revenu raviver près d’eux les souvenirs de son enfance, et en décorant de ses chefs-d’œuvre leurs autels rustiques, il goûtait avec un égal bonheur le plaisir de peindre et celui d’être ignoré.
D’humeur plus sociable que Zurbaran, Velazquez était appelé à vivre dans le monde. Tout modeste qu’il fût, il pressentait sa valeur, et les circonstances allaient bientôt le révéler à lui-même. Son beau-père avait de son côté conçu pour lui des ambitions auxquelles la mort de Philippe III (31 mars 1621) vint tout à coup donner une direction positive. L’avènement du nouveau souverain avait été salué par les acclamations et les espérances de toute l’Espagne. Jusque-là le jeune prince avait été tenu à l’écart et même étroitement surveillé. Mais il avait pu voir, avec la domination du duc de Lerme, les désastreux résultats du favoritisme pour le royaume et il avait résolu de gouverner par lui-même. Au début, son temps fut entièrement consacré aux affaires. Il y faisait preuve d’un esprit net, pénétrant, et dans le programme qu’il s’était tracé, il se proposait d’allier à la piété de son père la sagesse de son grand-père Philippe II et l’esprit militaire de Charles-Quint, son aïeul. Il aimait d’ailleurs les lettres qui, avec Lope de Vega et Calderon, allaient briller sous son règne d’un éclat inespéré. Lui-même composait agréablement des airs de musique ou des comédies improvisées dans lesquelles il se plaisait à jouer son rôle devant un cercle d’intimes. Sous la direction du dominicain Maino, il avait aussi appris à dessiner et à peindre et il montrait dans l’appréciation des œuvres d’art un goût exercé. Quand, vers la fin de son règne, le Spasimo de Raphaël arriva à Madrid, précédé par la grande réputation dont il jouissait alors en Italie, Philippe IV, après l’avoir examiné avec attention, se contenta de dire que ce n’était pas là un des meilleurs ouvrages de l’Urbinate.
Être attaché à la personne d’un pareil maître, c’était pour un artiste de valeur un désir très naturel, et Pacheco [trouvait parmi ses relations familières bien des facilités pour aider la réalisation des vœux qu’il formait à cet égard. Un de ses amis, le licencié Francisco de Rioja, — il avait assisté comme témoin au mariage de Velazquez, — venait même d’être attaché à la personne d’Olivarès dont le crédit auprès du jeune roi augmentait de plus en plus. Une première fois, en 1622, poussé par son beau-père qui l’avait muni des lettres de recommandation les plus pressantes,