Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/543

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au surplus, tous les cardinaux ne sont pas de l’avis de leur doyen et, loin de se désintéresser comme lui de la politique, plusieurs d’entre eux s’y intéressent et s’y amusent. Il faut bien qu’il en soit ainsi, puisque l’Eglise a une diplomatie, et que le Sacré-Collège se recrute non seulement parmi les archevêques et évêques, parmi les titulaires de diverses charges pontificales, majordome, secrétaires des congrégations, substitut de la secrétairerie d’État, parmi les prêtres qui honorent l’Église par leur science, leurs talens, leurs vertus, mais parmi les ambassadeurs du Souverain Pontife, parmi les nonces. Aujourd’hui même, dans le Sacré-Collège, les anciens nonces, les diplomates, ne manquent pas. Il y en eut rarement davantage et rarement de plus qualifiés. Citons, entre les plus anciens, les cardinaux Angelo Bianchi, Aloïsi Masella, Di Pietro, et, parmi les plus jeunes, le cardinal Siciliano di Rende, le cardinal Rampolla lui-même et le plus fameux ou le plus célèbre, le plus remuant, le plus entreprenant de tous, le cardinal Galimberti, sans oublier les deux frères Serafino et Vincenzo Vannutelli. Ceux-là sont cardinaux de haute taille et de haute mine, la gloire de Genazzano, au diocèse de Palestrina : le cardinal Serafino, plus âgé de deux ans et touchant à la soixantaine, un peu plus fin, un peu plus grêle, un peu moins ample ; le cardinal Vincenzo, superbe de port et d’allures : Serafino, cardinal évêque de Frascati, et Vincenzo, cardinal prêtre du titre de Saint-Sylvestre in capite : Serafino ayant plus de prudence, de mesure et d’habileté peut-être, Vincenzo plus d’initiative et d’entrain. Tous deux élèves du collège Capranica et de l’Académie des nobles ecclésiastiques, très entendus tous deux à « faire la carrière », far la carriera, Serafino a été nonce à Bruxelles et à Vienne, Vincenzo, délégué apostolique à Constantinople, nonce à Lisbonne, envoyé par le pape en mission décorative au couronnement d’Alexandre III, à Moscou : tous deux ont noué à travers l’Europe et dans les camps opposés de l’Europe des relations qu’ils n’ont pas cessé de cultiver ; Serafino n’a pas les mêmes que Vincenzo, mais chacun d’eux a celles de l’autre ; à Rome, les deux frères ne font qu’un : le cardinal Serafino et le cardinal Vincenzo s’additionnent et donnent au total un Vannutelli ; ce sont deux têtes en un seul chapeau. L’une regarderait plutôt vers l’occident, l’autre, plutôt vers l’orient, mais à elles deux, elles embrassent tout l’horizon, et il y a de l’énigme en elles, comme en une sorte de Janus chrétien.

Le secrétaire d’État, le camerlingue, le cardinal-vicaire, le grand pénitencier sont, par leur position même, les membres les plus en vue de tout le Sacré-Collège. À côté d’eux et à côté des cardinaux sortis de la diplomatie pontificale, que de figures