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témoignage de presque tous les clercs, le suffrage du peuple qui se trouvait présent, le vote du collège des prêtres les plus anciens, et le concours des hommes les plus considérables. » Deux siècles après, saint Léon le Grand s’exprime presque dans les mêmes termes, mais il fixe mieux le rôle de chacun, des évêques de la province, des clercs et des citoyens ; il dit « de tous les clercs et de tous les citoyens ». Laissons de côté le peuple et les notables ; peu nous importe l’intervention ou les prétentions à intervenir des barons ou des magistrats, des Alberics et des Crescenzi, de l’empereur ou de ses délégués. S’ils interviennent, c’est abus et corruption d’un vieil usage ; s’ils prennent part active à l’élection, ils n’y figurent que l’élément laïque, l’élément de trouble et de violence, qui peu à peu sera éliminé. Peu à peu, l’excès même de leurs prétentions amène une réaction ; une forme de droit tend à se substituer, pour l’élection des papes, à une forme tumultuaire (à supposer que le tumulte ne soit pas justement l’absence et la négation de toute forme). Le droit d’élire va peu à peu être circonscrit et défini contre l’empereur, contre les barons, et le peuple de Rome. Le corps électoral se formera et se fermera, rejettera l’élément laïque ; tout au plus en restera-t-il, dans la suite des temps, le veto, l’exclusive de quelques princes et la notification officielle de l’élection du pape aux souverains, avec l’usage, pour le peuple romain, de s’assembler sur la place devant le palais où le Sacré-Collège est réuni. Mais empereur, barons et peuple vont être aux portes ou à la porte ; le mot de l’apôtre va devenir une vérité : Qui foris sunt. Les trois élémens ecclésiastiques, au contraire, vont être conservés, et on va les voir plus distinctement : 1o episcopi provinciales, les évêques provinciaux, les six évêques suburbicaires ; 2o presbyteri incardinati ou cardinales, les prêtres cardinaux des églises de Rome ; 3o primates cleri, non plus tous les clercs, les diacres, et non pas tous les diacres, les principaux seulement.

D’ailleurs, ce n’est pas, au début, le pape qu’ils élisent, le pape, pontife universel : c’est leur évêque à eux, l’évêque de Rome ; ils ne le font point pape, mais évêque ; ce qui, ensuite, le fait pape, c’est d’être évêque de Rome et de succéder à saint Pierre. C’est, au début, une élection toute romaine, et ce noyau, cet embryon de Sacré-Collège est tout romain, comme est toute romaine l’institution des prêtres cardinaux. Plus tard, par extension et par analogie, on dira les évêques cardinaux, les diacres cardinaux. Mais ce n’est que comme évêques de la province de Rome, comme prêtres titulaires ou diacres principaux des églises de Rome, qu’ils élisent l’évêque de Rome, non point comme