n’en aura pas moins fait une première brèrche à la forteresse de préjugés derrière laquelle la Grande-Bretagne abrite, dans sa générosité, des criminels qui ne méritent pas tant d’intérêt.
Est-ce à dire qu’il y ait lieu d’élaborer une législation internationale
contre les anarchistes ? Ce n’est pas ce qu’a demandé lord Salisbury ;
il n’a parlé que d’une loi anglaise ; et, si on en juge d’ailleurs par les
polémiques qui se sont produites en Allemagne, une proposition de ce
genre n’y serait pas non plus bien accueillie. L’idée d’une législation
internationale, qui avait été mise en avant par quelques journaux, a été
repoussée par la Gazette de l’Allemagne du Nord, dans un article où on
a généralement reconnu une inspiration officielle. On trouve dans cet
article des considérations très élevées sur l’insuffisance des lois pénales,
soit préventives, soit répressives, pour atteindre un mal moral qu’il
faut s’appliquer à guérir par d’autres moyens. Soit ! tous les moyens
sont bons en pareil cas ; il y en a sans doute de meilleurs les uns que
les autres, mais le plus sage est de ne pas compter assez sur l’efficacité
de ceux-ci pour ne pas appliquer également ceux-là. La réforme morale,
si on était sûr de pouvoir l’étendre à toutes les couches de la population
et d’y plier toutes les consciences, dispenserait sans doute d’en poursuivre une autre ; toutefois, en attendant qu’elle soit complète, on fera
bien, ne fût-ce qu’à titre d’expédiens, d’introduire aussi dans les lois les
modifications qu’elles appellent. Dès aujourd’hui, il est presque certain
qu’une législation internationale n’aboutirait pas : il faudrait que toutes
les puissances consentissent à s’y rallier, et on n’obtiendrait pas cette
unanimité. Mais cette législation n’est pas indispensable. Il n’est pas
nécessaire de réunir un Congrès européen pour y rechercher en commun et s’engager à appliquer uniformément les procédés reconnus les
meilleurs contre l’anarchie : il suffit que chaque pays applique avec
vigilance sa législation intérieure, et qu’il la revise s’il la juge imparfaite.
C’est la conclusion de la Gazette de l’Allemagne du Nord : elle nous paraît
si sage que nous l’avons déjà mise en pratique. Notre gouvernement a
estimé qu’il y avait des vices et des imperfections dans nos lois : il a
présenté aussitôt un projet pour les faire disparaître. La résolution
spontanée qu’il a prise est aussi un bon exemple ; d’autres peut-être
feraient bien de s’en inspirer.