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peut-être, mais encore plus agaçante, puisqu’elle a même perdu l’attrait de l’opportunité. C’est ce qui s’est produit. Au fond, de quoi s’agissait-il dans l’interpellation de M. Vaillant ? De célébrer la Commune dont les socialistes ont entrepris la réhabilitation. Les morts de la Commune sont tombés pour « la défense du peuple et de la République » : c’est du moins la phrase stéréotypée dont se servent à tour de rôle les représentans du parti. Toutes les fois qu’elle est prononcée, la Chambre fait entendre des protestations indignées et à peu près unanimes ; mais cela n’empêche pas M. Vaillant et ses amis de la rééditer sans cesse, lis connaissent la puissance de la répétition. En vain M. Dupuy leur a-t-il dit qu’ils feraient mieux de respecter le repos des morts, et surtout de ne pas réveiller pour les vivans le souvenir d’un temps qui a laissé une impression « de dégoût et d’horreur ; » en vain la Chambre a-t-elle repoussé à une majorité écrasante l’ordre du jour qu’ils avaient présenté : ils recommenceront à la première occasion, car rien ne les décourage ni ne les lasse.

L’interpellation de M. Vaillant appartenait à une époque déjà ancienne, et c’est le hasard qui en a amené la discussion ces derniers jours : il n’en est pas de même de la proposition d’amnistie qui a été présentée, d’abord par M. Pelletan, et ensuite par M. Viviani. On reconnaît ici la manière de faire des radicaux, car, cette fois, l’initiative a été prise par eux plutôt que par les socialistes. M. Pelletan est un radical pur ; il représente la vieille politique contre laquelle les modérés ont eu à lutter depuis une douzaine d’années, et il ne cherche même pas à en renouveler les procédés. Un nouveau président de la République est élu : c’est le cas de demander l’amnistie. Il semble pourtant que, dans les circonstances présentes, après le monstrueux attentat du 24 juin, l’amnistie fût plutôt contre-indiquée. Le Conseil municipal de Paris a soulevé une réprobation générale en la demandant. Rien n’a arrêté nosradicaux. Parmi les diverses propositions qu’ils auraient pu faire, ils ont choisi celle-là comme étant la plus opportune. Ils l’ont même présentée deux fois dans la même journée. La première proposition ayant été repoussée, ou, pour être plus exact dans les termes, n’ayant pas obtenu le bénéfice de l’urgence, ils en ont introduit une seconde encore plus large et par conséquent plus inacceptable. C’est chez eux un principe de conduite, lorsqu’ils ne peuvent pas obtenir le moias, de demander le plus : en somme, on ne risque de rien perdre à ce jeu. M. Camille Pelletan est le principal orateur du parti. Espérait-il réussir ? Oh ! non ; mais il tenait à prononcer un discours, parce qu’il jugeait spirituel de comparer l’indulgence du gouvernement envers l’archevêque de Lyon à sa sévérité envers les auteurs de crimes ou de délits de droit commun. Le gouvernement avait commis une maladresse et une faute en suspendant le traitement de M Couillé : il a profité de la première occasion qui s’offrait