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Perier travaille pour lui-même. Son pouvoir ne durera que sept ans, soiti C’est assez pour marquer sa place dans notre histoire politique et pour y accomplir l’œuvre qui est attendue de tous. Cette œuvre, M. Casimir-Perier l’a définie lui-même en termes excellens : elle consiste dans l’union de « ces deux forces sociales sans lesquelles les peuples périssent : la liberté et un gouvernement. »

Ce message était à peine lu que M. Vaillant, ancien membre de la Commune, a demandé à la Chambre de nommer une commission de 33 membres, pour y préparer une réponse. La proposition a été fort mal accueillie. D’abord, elle n’était pas constitutionnelle, car nos lois actuelles ne donnent pas aux Chambres le droit d’adresse directe au chef de l’État. Ensuite, l’intention était par trop évidente, et d’ailleurs M. Vaillant ne la cachait pas : il s’agissait de mettre personnellement en cause M. le président de la RépubUque, et, sous prétexte de répondre à son message, de discuter longuement les termes d’une adresse sur laquelle seraient venus se greffer toutes sortes d’amendemens. M. Dupuy a fait remarquer qu’il y avait un ministère, qu’il avait contresigné le message, et que, dès lors, c’était au président du Conseil seul que des explications pouvaient être demandées. Mais ce n’est pas ainsi que l’entendaient les socialistes. Peut-être commencent-ils à être un peu fatigués eux-mêmes des interpellations qu’ils prodiguent aux ministres : une leçon infligée au chef de l’État aurait eu certainement plus de nouveauté et de saveur. La question préalable a été demandée sur la proposition de M. Vaillant : elle a été votée à la majorité de 450 voix contre 77. L’incident par lui-même ne pouvait avoir aucune suite, mais il a révélé du premier coup l’état d’esprit des socialistes et d’une partie des radicaux. Dans cette Chambre qui a été souvent si bruyante, un tapage comparable à celui qui s’est déchaîné ne s’était pas encore élevé ce jour-là. M. le président du Conseil a été obligé de descendre de la tribune sans avoir réussi à se faire entendre. L’exaspération de l’extrême gauche ne s’est d’ailleurs pas épuisée en une seule manifestation : la séance suivante a été abandonnée tout entière aux radicaux socialistes, et ils y ont fait rage. M. Vaillant — toujours lui ! — a développé une vieille interpellation sur les manifestations qui, à la fin de mai, avaient été empêchées au Père-Lachaise par la police. Une interpellation réchauffée ne valut jamais rien : celle-ci datait vraiment d’un peu loin. Il est vrai que le retard ne peut pas être imputé à ses auteurs : la Chambre a toujours le droit, et elle en avait usé, de remettre une interpellation à un mois, pas plus loin : lorsque l’échéance se présente, il faut s’exécuter. Il arrive quelquefois que des interpellations, ayant perdu par là tout intérêt, sont retirées dans l’intervalle, et c’est bien sur cette chance que compte la Chambre lorsqu’elle prononce un ajournement ; mais ses espérances sont souvent trompées, et au bout du mois écoulé, l’interpellation réapparaît, moins menaçante