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Deutsche Revue, de son côté, nous offre des notes inédites de David Strauss sur les tragédies de Schiller, des souvenirs de Johanna Kinkel des lettres de l’historien Ferdinand Gregorovius. Rien de tout cela, malheureusement, ne saurait avoir grand intérêt pour le public français Voici pourtant quelques lignes d’une lettre écrite par Gregorovius au retour d’un voyage à Paris, pendant l’Exposition Universelle de 1878.

« Paris m’a d’abord stupéfait, ébloui, ravi, comme un prodige de la civilisation ; puis cette première impression s’est calmée, et à mes yeux s’est révélé un ensemble d’une élégance et d’une perfection un peu monotones, qui m’a rappelé les tragédies de Corneille et de Racine. Au lieu de la fantaisie artistique, qui est le caractère dominant des cités italiennes, ce qui domine à Paris c’est le goût, mais un goût si pur et si raffiné qu’il est impossible de rien trouver ailleurs qui lui soit comparable. Paris m’est ainsi apparu comme la tête de la civilisation moderne, l’équivalent de ce qu’était autrefois la Rome impériale. Et mon étonnement a été grand lorsque, contemplant Paris du haut des tours de Notre-Dame ou des moulins de Montmartre, je me suis rappelé que cette ville, récemment encore, avait été envahie et occupée par les Prussiens, ces Barbares mangeurs de pommes de terre, mais disciplinés par l’impératif catégorique. Et, en fin de compte, je me suis senti plein de respect pour ce peuple si actif et d’esprit si libre, dont le rôle dans le monde ne saurait être fini encore. C’est de France que viendra à l’Europe entière le régime républicain ; là se formera cette alliance des peuples latins qui ne peut manquer, un jour ou l’autre, de se constituer. »


T. DE WYZEWA.