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en l’air, quelques jolis passages, même des lignes superbes, mais noyés dans une masse de choses insupportables. D’ailleurs les dames sont en train d’en revenir, et c’est une mode qui va passer. »

Acerbi retourna deux autres fois chez Klopstock ; mais sans doute le vieux poète se repentait de lui avoir trop franchement parlé, car il ne l’entretint plus, les deux fois, que de la Messiade. Il lui en signala les beautés, en lut devant lui de longs passages, s’arrêtant à chaque vers pour justifier son admiration ; mais des confrères, de Goethe, de Schiller, plus un mot. Et Acerbi dut quitter Hambourg sans avoir eu la matière de l’article qu’il avait projeté sur les opinions de Klopstock.

Il nous a laissé, du moins, la relation au jour le jour de ses entretiens avec le vieux poète ; et nous pouvons désormais, grâce à lui, nous représenter Klopstock tel qu’il était, dans sa belle maison de Hambourg, sa longue pipe à la bouche, enveloppé d’un nuage comme il convient à un dieu, et jugeant les hommes et les choses avec la sérénité dédaigneuse d’un véritable olympien.


La postérité a confirmé la plupart des jugemens de Klopstock sur les poètes allemands ses confrères, sur Voss et Wieland, sur Gessner, sur l’insupportable Jean-Paul : seuls Gœthe et Schiller ont démenti la prédiction du vieux poète leur maître, qui croyait leur gloire condamnée à un oubli très prochain. Et peut-être même, loin de les avoir oubliés, se souvient-on d’eux en Allemagne un peu plus qu’il ne conviendrait. D’année en année on les vénère davantage : ils sont désormais devenus de véritables héros populaires ; et quand on ne trouve à publier à leur sujet aucun document nouveau, n’importe quel prétexte suffit pour qu’on en parle encore. C’est ainsi que j’ai trouvé dans une revue musicale, le Chorgesang, une longue étude sur Schiller et la Musique, où j’ai appris uniquement que Schiller aimait la musique, qu’il avait eu dans sa jeunesse un fabricant de pianos pour ami, qu’il avait composé deux petits airs pour une opérette, que Beethoven avait mis en musique son Hymne à la Joie, et Schubert une vingtaine de ses poèmes.

Encore la Littérature-Schiller, comme disent les Allemands, n’est-elle rien en comparaison de la Littérature-Gœthe. J’aurais à vous signaler, dans les récentes livraisons des revues allemandes, une douzaine au moins de longues études consacrées au poète de Faust. Mais je dois avouer que j’ai eu, moi-même, beaucoup de difficulté à les lire, tant elles sont vides et banales, tant elles paraissent peu faites pour être lues. Je me bornerai à vous citer, dans la Deutsche Rundschau, un article assez décousu de M. Hermann Grimm, traitant de toutes choses à propos de Gœthe, et dont voici la conclusion :

« En 1893, comme un groupe d’amis de Gœthe célébraient sur le Brenner, dans le Tyrol, l’anniversaire de sa naissance, un philologue vint leur déclarer que tout le mouvement de la philologie romane allemande