Comme il est naturel, les noms de ces hommes qui prochainement seront dans toutes les bouches ne sont pas encore tous également illustres. Quelques-uns sont parvenus jusqu’au public. M. Maurice Barrès, M. Laurent Tailhade sont connus ; M. Joséphin Péladan, grâce aux plaisanteries des journaux et aux lazzi des revues de fin d’année, a reçu la grande consécration du ridicule. Mais pour cinq ou six qui ont déjà forcé l’attention, combien en trouverait-on qui ne se sont pas encore tout à fait dégagés de l’obscurité, ou même qui y sont totalement plongés ? Je transcris quelques noms au hasard : Edmond Barthélémy, Pierre Quillard, Hugues Rebell, Louis Denise, Adolphe Retté, Paul Espéron, Paul Leclerq, Mathias Morhardt, Ivan Gilkin, P.-N. Roinard, Victor Remouchamps, Max Elskamp, Émile Michelet, Edmond Cousturier, André Fontainas, Joseph Declareuil, Ludovic Hamilo, Mario Varvara, Léon Bazalgette, Daniel Baud Bovy, Jean Manescau, Louis Pilate de Brinn’ Gaubast… Il en est parmi ces noms dont la physionomie, tranchant sur l’ordinaire, est très capable de faire impression. Citez-les devant des personnes lettrées, de celles qui achètent le livre du jour et dissertent dans les salons sur la plus récente façon de pratiquer l’amour que recommande le roman à la mode, elles ne sauront de qui vous voulez parler, et si ces messieurs, Belges ou Français, Wallons ou Provençaux, s’occupent d’industrie ou de commerce, d’agronomie ou de sériciculture.
Voyez pourtant qui sont ces hommes qu’on ignore. Edmond Barthélémy « est un styliste admirable, une des plus grandes personnalités de la future histoire des lettres ». Pierre Quillard, « en même temps qu’excellent poète, est un érudit sagace et un critique judicieux ». Hugues Rebell est, « dans un jardin de plantes étiolées, un bel arbre ; parmi une génération maladive ou affolée, un homme ; il tranche sur tout le milieu comme l’éclat d’un phare sur la nuit ». Louis Denise « est un érudit délicat et un parfait artiste ». Adolphe Retté « est une des personnalités les plus saillantes de ces cinq dernières années ». Paul Espéron « est un vrai poète, exquis de grâce simple, des meilleurs parmi les délicats ». « Esquisser la physionomie de Paul Leclerq exigerait une pénétration de sphinx. » Mathias Morhardt « est l’esprit le plus délié, le critique d’art le mieux informé ». Ivan Gilkin « est un Raphaël noir ». P. N. Roinard « est monté vers des sommets d’où l’on voit dans son harmonie totale l’humanité et ses microcosmes sociaux ». Victor Remouchamps « est l’auteur des Aspirations… et fait des calembours deux fois par an ». Les poésies d’Elskamp « seraient divines vraiment pour enluminer un peu les siècles ». Émile Michelet « est un écrivain de race et une lumineuse constellation », etc., etc. Je cite textuellement, comme bien on pense. Je serai obligé de beaucoup citer. Mes lecteurs ne s’en plaindront pas…. À chaque ligne reviennent des termes qui expriment un enthousiasme sans mélange. Le verbe admirer