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substances minérales riches en acide phosphorique et en potasse. Quand la graine est moulue, que par la pression on en a extrait l’huile, le tourteau restant sert, suivant sa nature, à l’alimentation du bétail ou à la fumure du sol. Si les tourteaux de lin, de colza conviennent dans le premier cas, ceux de ricin, de croton, de pignon d’Inde, de moutarde, dangereux pour les animaux, sont pulvérisés et vendus comme engrais ; très employés dans toute la région méridionale, ils y portent le nom de trouille.

Les tourteaux ne sont par les seules matières d’origine végétale employées comme engrais ; depuis un temps immémorial, on fait usage, sur les côtes, des plantes marines ; la pêche en a même été réglée dès le moyen âge : on distinguait le goémon d’épave, celui qui entraîné par les vagues vient échouer sur la grève, du goémon de coupe directement exploité sur les rochers voisins du littoral. Les uns et les autres, exposés à la pluie pendant quelques temps, perdent le sel dont ils sont imprégnés ; enfouis alors dans le sol, ils s’y décomposent facilement et suffisent à soutenir les récoltes. Hervé-Mangon a décrit, il y a déjà plusieurs années, le mode de culture très particulier, suivi à Noirmoutiers, dont le sol conserve depuis des siècles une fertilité moyenne par l’emploi exclusif des goémons ; les déjections solides du bétail sont séchées et employées comme combustible, remplaçant le bois qui fait défaut. Pendant leur calcination, les matières animales laissent échapper des eaux ammoniacales et on assure que si l’azoture d’hydrogène, l’alcali volatil, est encore désigné sous le nom d’eau égyptienne, d’eau d’Ammon, d’ammoniaque, c’est que cette base nous est venue d’Egypte ; l’absence de bois dans la vallée du Nil y ayant toujours fait employer comme combustible les déjections animales.

J’ai eu occasion, il y a une dizaine d’années, de parcourir l’île de Ré : à cette époque elle était entièrement couverte de vignes ou de céréales ; pas de prairie, par suite, pas de bétail ; le goémon seul servait d’engrais. C’est encore à lui que Jersey doit sa prospérité ; on sait que grâce à la culture des primeurs pour le marché de Londres, le produit brut à l’hectare y atteint de 1 800 à 2 000 francs. Enfin la ceinture dorée de la Bretagne, cette région voisine du littoral oh la culture est luxuriante, ne doit sa richesse qu’à l’emploi simultané des goémons et des sables marins, apportant les uns les matières azotées, les autres le calcaire, qui font défaut dans l’intérieur du pays.

Les tourteaux et les goémons ne sont pas les seules matières fertilisantes que le règne végétal fournisse à la culture, il lui donne encore les engrais verts. On désigne sous ce nom les plantes cultivées spécialement pour être incorporées au sol qui