On a beaucoup écrit sur le prix de revient du fumier de ferme, et on conçoit que les agronomes aient grand intérêt à l’établir avec exactitude, car ce prix du fumier entrera dans tous les calculs qui ont pour but d’établir le prix de revient de toutes les cultures. J’ai obtenu 800 francs de betteraves à l’hectare sur une terre qui avait reçu 40 000 kilos de fumier ; mes dépenses de loyer, de semences, de main-d’œuvre, ont été de 500 francs ; si je compte mon fumier à 10 francs la tonne, mes dépenses atteignent 900 francs : je suis en perte ; si je le compte à 5 francs, il me reste 100 francs de bénéfice.
Systématiquement j’ai employé l’expression : Je compte le fumier 10 ou 5 francs : c’est qu’en effet, ce prix est toujours une appréciation, il ne découle pas de recettes réellement encaissées ou de dépenses effectivement soldées.
On essaie de calculer le prix du fumier en faisant la différence entre la somme des recettes des vacheries, des bergeries, des écuries et les dépenses qu’entraîne l’entretien des animaux ; si ces dépenses surpassent les recettes, et c’est là ce que montre habituellement la comptabilité agricole, on équilibre le compte en portant en recettes le fumier produit ; en divisant enfin la somme ainsi calculée par le poids du fumier on trouve le prix de la tonne de ce fumier.
Mais la plupart des nombres qui entrent dans ce calcul reposent sur des évaluations. J’entends bien que j’aurai des recettes réelles : de la vente du lait de mes vaches, de la laine de mes moutons, de celle des animaux gras ; mais quand je voudrai écrire en recettes le travail de mes bœufs de labour, de mes chevaux transportant les marchandises à la gare voisine, je n’aurai plus aucune certitude ; mon labour aura beau avoir été fait avec le plus grand soin, si la récolte qu’il a préparée avorte, je n’en tirerai aucun bénéfice, ce labour n’a pas par lui-même de valeur ; et c’est en m’appuyant sur de vagues appréciations que fictivement j’estime le travail exécuté, par un chiffre qui ne peut être qu’arbitraire.
Les difficultés ne sont pas moindres quand il s’agit d’évaluer les dépenses : visiblement, sans grande chance d’erreur, je puis évaluer au prix du marché un fourrage qui passe du magasin aux étables, en bottes régulières qu’on pourrait aussi bien charger sur un chariot et conduire à la gare ou à la ville voisine ; mais beaucoup d’alimens ont une valeur difficile à chiffrer : j’ai rentré deux coupes de foin et son prix m’est connu, mais l’automne est pluvieux, mes prés reverdissent, je les fais pâturer… que vais-je inscrire aux dépenses ? Quel est le prix de ce fourrage qui n’est pas fauchable ? Telle qu’elle est tenue habituellement, la comptabilité agricole ne donne que des indications discutables… Il y a plus de vingt ans, j’accompagnais les élèves de Grignon dans une de leurs excursions ; nous avions été reçus par un des