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Une fraction de cet azote se dissipe sous forme d’ammoniaque, dont l’odeur piquante et nauséabonde se manifeste dans les bergeries trop bien closes, ainsi que nous l’avons dit déjà ; mais une autre fraction, et la plus importante, disparaît à l’état libre.

Il est possible de diminuer les pertes d’ammoniaque qui ont lieu dans les étables ou les bergeries en saupoudrant les litières de terre sèche qui retient bien cet alcali ; il est facile également d’empêcher la déperdition dans le fumier en voie de fabrication à l’aide de fréquens arrosages : les sels ammoniacaux sont tellement solubles dans l’eau, qu’un fumier renfermant, ainsi que cela a lieu habituellement, les trois quarts de son poids d’humidité, ne contient pas de carbonate d’ammoniaque à l’état gazeux.

Il est très important d’en être convaincu, car à bien des reprises différentes on a conseillé, et tout à fait à tort, d’introduire dans le fumier du plâtre ou du sulfate de fer en vue d’amener le carbonate d’ammoniaque volatil à l’état de sulfate d’ammoniaque fixe. Ces additions sont absolument fâcheuses, et tout d’abord, la transformation du carbonate d’ammoniaque en sulfate n’est pas durable ; les sulfates sont réduits dans le tas de fumier, amenés à l’état de sulfures, d’où l’odeur fétide de sulfure d’ammonium du purin ; ces sulfures eux-mêmes sont décomposés à leur tour par l’acide carbonique et l’eau, et l’ammoniaque se retrouve finalement à son état primitif de carbonate ; mais durant ces transformations les fermentations se sont arrêtées. Les bactéries en activité dans le fumier ne travaillent que dans un milieu alcalin, imprégné de carbonate de potasse et d’ammoniaque ; quand on décompose ces carbonates, la fermentation s’arrête, la masse se refroidit ; ce n’est plus qu’un mélange inerte de paille et de sels ammoniacaux dans lequel cesse la production des matières ulmiques qu’on a précisément dessein d’obtenir.

Il n’y a donc pas lieu de s’arrêter aux pertes d’ammoniaque : elles sont très faibles ou nulles dans un fumier bien arrosé. Quant aux pertes d’azote libre, il faut s’y résigner ; nous n’avons, actuellement, aucun moyen de les restreindre. La fermentation singulièrement énergique, qui élève à 70° la température de cette masse de matière surchargée d’humidité, ne porte pas seulement sur les hydrates de carbone : les matières azotées sont attaquées à leur tour, leur carbone et leur hydrogène complètement brûlés laissent échapper à l’état libre l’azote auquel ils étaient unis. M. Reiset, il y a plus de vingt ans, moi-même plus récemment, nous avons constaté ces pertes d’azote à l’état gazeux, et, nous le répétons, il n’existe actuellement aucun moyen de les empêcher.

Si dans un fumier régulièrement arrosé, bien tassé, les pertes d’azote sont déjà notables, elles deviennent excessives dans une