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dans le fumier ; bientôt tout le mercure sera écoulé, et le flacon rempli du gaz que nous voulons analyser. Nous détacherons le caoutchouc qui reliait le flacon au tube enfoncé dans le fumier, nous adapterons un tube à dégagement ; et en élevant le flacon actuellement plein de mercure, nous chasserons le gaz du fumier dans les tubes où nous pourrons l’analyser.

Les gaz extraits du fumier ne renferment jamais d’oxygène ; à la partie supérieure, là où la température atteint 70° environ, on trouve que le quart du volume total est de l’acide carbonique, le reste est de l’azote. Son origine n’est pas douteuse, c’est de l’azote atmosphérique. Dans cette partie de la masse, l’air pénètre ; son oxygène brûle les principes les plus attaquables de la paille et se transforme en acide carbonique ; l’élévation de température est due à la combustion lente. Le gaz extrait un peu plus bas présente une composition bien différente de celle que nous venons de constater : l’azote y est moins abondant et mêlé à l’acide carbonique, on reconnaît le gaz des marais, l’hydrogène carboné qu’il est facile d’allumer. Le gaz puisé tout à fait en bas du tas de fumier ne renferme plus guère d’azote, peu d’acide carbonique ; le gaz des marais domine.

Les réactions qui donnent naissance à l’acide carbonique et au gaz des marais sont dues à l’activité de fermens faciles à examiner au microscope : une goutte de liquide provenant du lavage du fumier est peuplée de bactéries dodues, peu agiles, portant souvent des spores brillantes ; on réussit à les cultiver sur de la filasse de lin, sur du papier, par conséquent sur de la cellulose, en plongeant ces matières dans des liquides chargés de carbonate de potasse, de carbonate d’ammoniaque et d’un peu de phosphate d’ammoniaque. Ce mélange ensemencé avec quelques gouttes de purin et maintenu à 50° environ dégage de l’acide carbonique et du gaz des marais en volumes égaux. Les bactéries vivent et travaillent à cette température élevée ; elles persistent même jusqu’à 72°, mais à 80° elles périssent ; une fermentation en pleine activité portée jusqu’à ce degré de chaleur s’éteint, tout dégagement de gaz cesse.

Les bactéries qui entrent en jeu dans le fumier proviennent du tube digestif des animaux ; dans la partie supérieure du tas, là où l’air pénètre, elles favorisent l’action de l’oxygène ; la gomme et les sucres de la paille sont brûlés ; dans les parties plus profondes, les bactéries s’attaquent à la cellulose. La paille des litières est ainsi profondément modifiée. En effet, des trois principes qui la constituent : gomme, cellulose et vasculose, les deux premiers sont partiellement détruits ; le dernier, qui résiste, s’hydrate, se dissout dans les liquides alcalins, et donne au purin, au fumier lui-même, sa couleur brun foncé.