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de la teinture par l’alcool. Si on place enfin la feuille ainsi traitée dans l’eau, on voit apparaître nettement les caractères en bleu foncé. On sait que l’iode colore en bleu l’amidon : visiblement la feuille n’en a formé qu’aux places où les radiations solaires ont atteint les cellules à chlorophylle ; partout au contraire où la feuille a été protégée par le papier noirci, elle reste blanche, décolorée ; l’iode y est sans action. Si on avait opéré sur une feuille déjà éclairée, l’amidon aurait été abondant dans toutes les cellules et les lettres n’auraient pas présenté le relief qu’elles acquièrent quand on agit sur une feuille non encore insolée, qui pendant la nuit s’est dépouillée peu à peu de l’amidon formé pendant la journée précédente.

La feuille nous apparaît donc comme le laboratoire dans lequel prend naissance la matière carbonée, et cette matière carbonée a pour origine l’acide carbonique aérien. Mais tout de suite un doute apparaît dans notre esprit : pourquoi la culture établie dans le sable calciné a-t-elle si mal réussi quand nous avons simplement arrosé avec de l’eau distillée ? Nous n’avons pris aucune précaution pour écarter l’acide carbonique aérien : pourquoi n’a-t-il pas suffi à l’alimentation de la plante ? pourquoi au contraire l’expérience a-t-elle continué et les plantes sont-elles devenues prospères quand dans les arrosages nous avons substitué à l’eau distillée les dissolutions nutritives ? que renferment ces dissolutions nutritives ? comment rendent-elles fertile du sable calciné ?

Nous allons l’apprendre. Nous savons, par l’analyse que nous avons faite de graines semblables à celles qui ont été employées à nos semis, qu’outre le carbone, l’hydrogène et l’oxygène, ces graines renferment de l’azote : ajoutons donc à notre eau distillée une matière soluble azotée, de l’azotate d’ammoniaque par exemple, qui est formé d’azote, d’oxygène et d’hydrogène, et déjà notre semis est infiniment plus vigoureux que celui qui n’a reçu que de l’eau distillée. Bientôt cependant il manifeste des signes d’affaiblissement, il est bien loin d’égaler les végétaux semés en même temps dans une bonne terre. Quelque chose manque encore.

Or, quand nous avons brûlé nos graines, nous avons vu qu’elles ne sont pas formées seulement de matières combustibles qui disparaissent pendant la calcination ; elles ont toujours laissé dans notre capsule, après que toute la matière organique a disparu, des cendres : de quoi sont-elles composées ? Nous y trouvons tout d’abord de l’acide phosphorique et en grande quantité, puis de la potasse, de la magnésie, de la chaux, de la silice, des traces d’oxyde de fer.