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I

Pour qu’une terre atteigne le maximum du produit, il faut que chacune des plantes qui la couvre trouve, à chaque instant de son développement, toutes les matières alimentaires qui lui sont nécessaires : or s’il existe des sols privilégiés assez bien garnis de ces alimens nécessaires aux végétaux pour fournir d’abondantes récoltes sans aucune addition, dans la grande majorité des cas une contrée, cultivée sans addition d’aucune sorte, perd peu à peu sa fertilité, les rendemens diminuent, elle devient incapable de nourrir la population qui l’occupait ; cette population fuit cette terre devenue ingrate, elle émigré. Aussi, depuis un temps immémorial, les populations sédentaires ont-elles essayé de maintenir la fertilité des terres qu’elles occupaient au moyen des engrais. On a reconnu, dès l’antiquité la plus reculée, que les litières salies pas les déjections des animaux étaient un engrais efficace ; toutefois ces premières connaissances étaient purement empiriques : l’usage rationnel des engrais est tout récent, il dérive des connaissances que, depuis un siècle, nous avons lentement acquises du mode d’alimentation des végétaux.

Cherchons donc comment vit la plante que nous cultivons. Quand nous connaîtrons ses exigences, nous pourrons peut-être les satisfaire, et voir notre plante devenue vigoureuse nous fournir ces rendemens élevés, objets de nos désirs.

Le végétal se nourrit par ses feuilles et par ses racines, et pour bien saisir leurs fonctions, cultivons un sable lavé, puis calciné, incapable par lui-même de céder à la plante aucun aliment : il servira seulement de support. Si dans ce sable, régulièrement arrosé, on sème quelques graines de colza ou quelques grains de blé, on voit bientôt apparaître de petites tiges délicates, et pendant les premiers jours les jeunes plantes présentent toutes les apparences de la santé ; les tiges sont droites, les feuilles bien vertes. Ainsi, la première étape de la vie végétale, pendant laquelle l’embryon sort de la graine et forme racines et tige, est parcourue sans autre condition que de l’air et de l’eau. Celle-ci, dans notre expérience, a été donnée avec profusion : si elle fait défaut, la germination s’arrête, et tout de suite, dès nos premiers essais, nous reconnaîtrons la grande difficulté de la culture, ce qui en fait si souvent un métier décevant : sa dépendance absolue des conditions météorologiques. Si au moment des semailles la pluie n’arrive pas ; si, comme cela a eu lieu l’an dernier, une longue sécheresse persiste en mars et en avril, les semis avortent.