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secs, noirs, au teint hâlé, bien faits, la figure sauvage, avec des yeux perçans et un rire sardonique qui laisse voir leurs belles dents blanches. Ils sont vêtus de grands manteaux, rayés de brun et de blanc, dans lesquels ils se campent fièrement ; d’autres portent des peaux de mouton, le poil en dehors ; sur leur tête, un burnous de couleur sombre, retenu par la grosse corde de poil de chameau noire, leur retombe sur les yeux et leur encadre la figure. On se représente ainsi Joab, avec ses frères et ses cousins à la porte du roi David. Leur groupe pittoresque, isolé au milieu de la foule, donne la sensation de la vie du désert. Des femmes turques, vêtues de soie rose ou grise, passent devant eux, sortant de la citadelle.

Soudain, un mouvement se produit au fond de la place ; on entend des acclamations ; des officiers apparaissent sous la porte du palais du commandant. Le grand chef de la mosquée sort le premier, suivi de son escorte. Un moment encore, et l’on voit déboucher sur la place le cortège du gouverneur. Les soldats marchent en tête, le pas pressé, serré, faisant sonner leurs bottes sur le pavé, le tarbouch rouge vif sur une tunique bleu foncé. Des fanions bleus, rouges, jaunes, mettent une note vive au milieu de ces uniformes sombres ; en voici un vert, brodé d’or : c’est le drapeau. Aussitôt après vient le gouverneur, Ibrahim pacha. Il s’avance seul, dans son uniforme tout chamarré d’or, et répond de la main aux saints et aux marques de respect qui accueillent son passage. Après lui vient le cadi, en costume arabe, puis tout un brillant état-major, derrière lequel se presse une foule bariolée et bruyante qui s’engouffre dans les rues de Jérusalem.

Nous avions fait saluer le gouverneur, à la première heure, en nous excusant de ne pas lui rendre visite aujourd’hui, parce que nous étions en costume de voyage. Il nous fait dire qu’il sera charmé de nous recevoir, tels que nous sommes, à la cérémonie du Baïram. Le Baïram est la fête religieuse du monde musulman. Ce jour-là, toutes les autorités de la ville, les fonctionnaires ottomans et les dignitaires ecclésiastiques, chrétiens et juifs aussi bien que musulmans, viennent saluer le gouverneur et lui présenter leurs vœux pour l’empereur. Le sultan, qui est le chef religieux aussi bien que politique de son empire, pratique à l’égard de ses sujets une tolérance dont nous ne nous faisons qu’une idée très imparfaite, et que pratiqueraient peut-être peu d’Européens, s’ils avaient en main l’autorité immense que lui donne son pouvoir absolu. Il s’applique à tenir la balance égale, non seulement entre chrétiens et musulmans, mais aussi entre les chrétiens de toutes les dénominations. Nulle part cette intervention n’est plus nécessaire qu’à Jérusalem, où la présence des lieux saints amène,