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le droit concédé à tout acheteur auquel un objet a « cessé de plaire ». Les « rendus », même de marchandises régulièrement payées, sont eux-mêmes assez onéreux aux établissemens de nouveautés : c’est une faculté dont on abuse ; — on voit des articles rapportés au bout d’un an. — Au Bon Marché, leur valeur monte journellement à 5 000 francs. Il est vrai qu’à côté des pseudo-acheteuses qui se font envoyer un manteau ou un chapeau pour s’en parer un jour et les renvoyer le lendemain, en jurant « qu’ils n’ont pas été portés », il y a bon nombre de marchandises livrées en double à des clientes qui voulaient seulement faire chez elles un choix définitif. Pour que le système du « rendu », qui doit faciliter les ventes, ne facilite pas aussi les vols, le commis a l’ordre d’inscrire son nom et son numéro matricule sur l’étiquette de l’objet dont il opère la vente. Cette simple indication suffit, lorsqu’une restitution est demandée, à vérifier la réalité de l’achat primitif.


IX

Chaque année le magasin procède à l’inventaire de ses marchandises, soit au 31 janvier, comme la Belle Jardinière ou la Samaritaine, soit au 31 juillet, comme le Bon Marché, le Louvre, le Printemps. On vide les armoires, les cartons, les tiroirs, du haut en bas de la maison. C’est le moment de la « démarque » des articles mal vendus. Par suite des procédés très divers d’évaluation de chaque établissement, on ne peut comparer les uns aux autres leurs stocks respectifs. La Samaritaine, le Printemps et la Belle Jardinière, qui font, à peu de chose près, le même chiffre d’affaires annuel, accusent à l’inventaire, le premier 1 million, le second 6 millions, le troisième 12 millions de marchandises, et, quoique le capital se renouvelle plus souvent dans la première maison que dans la seconde ou la troisième, il serait absurde de dire qu’il s’y renouvelle 6 ou 12 fois plus. Au Bon Marché et au Louvre le total de l’inventaire oscille entre 15 et 20 millions de francs.

Comparé à celui de l’année précédente, ce total sert à contrôler le chiffre du bénéfice brut, l’écart entre les recettes et les dépenses de chaque rayon. Dans une maison comme le Bon Marché, cet écart atteint 32 millions environ, sur lesquels 24 millions sont absorbés par les frais généraux. Nous avons vu quelle était la part du bénéfice net, le prix auquel le grand magasin mettait ses services. Par le mécanisme du nouveau commerce ce profit est proportionnellement très inférieur à celui que doit s’attribuer, sous peine de