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mettent à tourner lentement avec elle. Au milieu, dans l’axe vide, se tient un surveillant qui met à part les colis portant un « numéro de caisse » — servant à réunir sur une seule facture les achats variés du client qui Fa demandé. — Autour de la tablette se tiennent, immobiles, les garçons trieurs qui s’emparent des marchandises de leurs quartiers respectifs, lorsqu’elles passent devant eux, et les placent dans un panier qu’ils ont à leur côté. Durant l’après-midi, où le coulisseau vomit les paquets sans discontinuer, les paniers ne mettent guère plus de quinze minutes à se remplir. Des hommes de peine les remplacent, et roulent les pleins dans la salle voisine où l’on procède à un second triage, celui des voitures ; chaque panier du début correspondant à trois ou quatre quartiers ou voitures différentes.

Au Bon Marché le nombre de ces voitures est de 98, en comptant les véhicules à bras ; celui des chevaux appartenant à la maison est de 150, plus une centaine en location et les écuries occupent un personnel de 65cochers et palefreniers. Chacune de ces voitures fait deux tournées par jour, accompagnée d’un garçon livreur qui, opérant quotidiennement dans le même quartier, arrive à le savoir par cœur. Il connaît les maisons où l’on peut laisser les articles en toute confiance en disant qu’on repassera pour toucher, celles dont on ne doit jamais sortir sans avoir été payé, celles enfin, — il y en a, — où il convient de ne lâcher le colis d’une main que lorsqu’on tient l’argent dans l’autre.


VII

Une partie notable de la vente s’effectue par correspondance ; parmi les 15 ou 18 000 personnes qui entrent chaque jour au Bon Marché ou au Louvre, il y en a peut-être 4 ou 5 000 qui n’achètent rien ; mais une moyenne de 4 000 lettres, — le chiffre monte au double le lundi matin, — apportent chaque jour les commandes de cliens que l’on ne voit pas. Un petit nombre viennent de Paris, d’acheteuses qui craignent la fascination des étalages ou qui répugnent simplement à se déranger ; la plupart appartiennent au service de province. Le Louvre, sur un total de 120 millions d’affaires, en fait 20 millions en province et 10 à l’étranger ; au Bon Marché les expéditions par chemins de fer représentent 40 millions de francs sur 150 millions de vente. À la Samaritaine elles sont de 9 millions sur 36 ; au Printemps elles atteignent 14 millions sur 35. La proportion varie, comme on voit, de 25 à 40 pour 100 suivant les maisons.

L’on se tromperait fort du reste en voulant classer, d’après le