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mouvement d’affaires, non seulement à la fin de l’Empire, — nous avons dit plus haut que le Bon Marché faisait 21 millions en 1869, — mais même durant les premières années de la République : en 1875, le Louvre ne dépassait guère une quarantaine de millions de vente.

Il a atteint, au cours de l’année dernière, un total de 120 millions ; les bénéfices de l’exercice 1893 se sont élevés à 8 360 000 francs. Le dividende de 19 000 francs par action n’a été dépassé qu’une seule fois, lors de la retraite de M. Chauchard, qui répartit 23 000 francs en liquidant à peu près les réserves. Depuis lors, piqué d’émulation par la conduite prudente du Bon Marché, le Louvre s’est appliqué à constituer un fonds de prévoyance, d’autant plus utile, en cas d’incendie par exemple, que les compagnies d’assurances, se souciant peu de la clientèle des magasins de nouveautés, depuis le sinistre du Printemps, ne prennent qu’une partie des risques et se font payer de grosses primes. Cette mise annuelle à la réserve devrait, pour avoir le total des bénéfices, être ajoutée aux dividendes ; mais de ceux-ci il faudrait déduire environ 1 million, provenant de l’exploitation des hôtels Terminus et du Louvre, que la Société présidée par M. Émile Pereire a joints à son commerce de nouveautés. Ce million compensant, à peu près, le bénéfice non distribué sur le magasin, le gain de 8 300 000 francs, rapproché du chiffre d’affaires de 120 millions, fait ressortir le produit net à 6,90 pour 100.


IV

À côté de ces colosses du trafic parisien, les autres maisons paraissent petites et les péripéties de leur histoire n’offrent plus le même intérêt. Jetons pourtant un regard sur le passé de quelques unes. Bien que la Belle Jardinière ne soit, par son chiffre de vente, — 38 millions de francs, — que le troisième de nos grands magasins, elle est néanmoins le plus ancien en date. Durant la seconde moitié de la Restauration (1826), P. Parissot tenait dans la Cité une petite boutique de mercerie qui, en raison de son voisinage du marché aux fleurs, avait pour enseigne : A la belle Jardinière. L’usage existait alors d’acheter le drap au marchand et de le porter chez le tailleur à façon. Le tailleur-fournisseur d’étoffe était un industriel de luxe, au besoin banquier usuraire d’une clientèle d’élite. Les seuls habits que l’on vendit tout faits étaient les vieux. Un commerce que le progrès a tué est celui du « mar…chand d’habits », dont le cri, familier naguère à nos oreilles, a presque complètement cessé de se faire entendre.

Le débit facile des costumes d’occasion s’expliquait par le prix