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comme pour repousser, comme pour maudire. Toutes les respirations sont contenues, suspendues. Maximo, aussi pâle que son frère, vient d’apparaître, des larmes mouillent ses joues. Il s’avance vers le moribond ; des murmures die réprobation se font entendre. Personne ne l’a dit ; mais pour tous Maximo est le meurtrier de celui dont il ose s’approcher, auquel, déjà en proie au remords, il vient sans nul doute demander pardon.

C’est d’un pas ferme que le jeune homme se dirige vers la couche funèbre ; don Blas veut s’interposer, puis recule en se couvrant le visage de ses mains. Oh ! la lugubre, la terrible scène durant laquelle Le vent ne cessa de gémir avec sa voix surhumaine, et dont le souvenir oppresse encore mon cœur après tant de jours écoulés !

De même que l’a fait Amada, Maximo se penche au-dessus du chevet de son frère, le nomme, puis l’appelle, en vain, hélas ! Devant cette surdité, cette immobilité, le jeune homme recule, examine ceux qui l’entourent, ne voit que des visages hostiles dont les regards fuient les siens. Il aperçoit l’image du Christ, court à elle, s’agenouille, tend vers elle des mains suppliantes, prie avec ferveur, le front dans la poussière. Il se relève, revient au chevet de Lorenzo, recommencée le nommer, à l’appeler en haussant de plus en plus la voix, et le visage du moribond reste impassible.

— Au nom du Dieu devant lequel tu vas paraître, frère, crie le jeune homme désespéré, ouvre les yeux, ouvre la bouche et dis à notre père, à tous ceux qui nous entourent et m’accusent, que je ne suis pas ton meurtrier !

À l’éclat de cette voix pour lui familière, le moribond sort une seconde fois de sa torpeur, ouvre les yeux. Il regarde son frère avec une fixité inconsciente, de nouveau les respirations sont suspendues. Lentement, gauchement, l’un des bras du jeune homme se relève, retombe, et il referme ses yeux. Que voulait-il faire ? Voulait-il maudire ou pardonner ? Est-il mort ?

Non, de nouveau il bouge, de nouveau ses paupières se soulèvent, de nouveau son bras s’étend et, cette fois, sa main saisit celle de Maximo.

— Tu arrives trop tard, lui dit-il avec lenteur, c’est ce matin que tu aurais dû venir en aide à ma maladresse, toi qui tant de fois déjà m’as sauvé… Quand je suis tombé sur mon macheté, quand j’ai vu venir sur moi le taureau furieux, je t’ai appelé… frère, mon grand frère, comme tu devais être loin pour n’être pas accouru !

Haletant, le jeune homme se tait.

— Vis, lui crie Maximo, vis pour être l’époux d’Amada !

— Elle est et sera tienne, répond Lorenzo, par la volonté de