qui t’a séduite. Moi, que tu sois belle ou laide, je m’en inquiète peu, je n’en veux qu’à ton cœur… C’est pour l’éternité que je suis à toi, que je veux que tu sois à moi ; je t’aime et t’aimerai toujours, sache-le bien, même après ceci.
Il passe rapidement sa main sur le visage de la jeune fille qui pousse un cri, dont les épaules et la chemise se couvrent de sang. Le sombre amoureux, de la pointe aiguë de son couteau, vient de balafrer les deux joues de celle qu’il aime.
Lorenzo a bondi. Son père, don Onésimo, Mateo et moi le saisissons au passage ; don Blas lui parle avec autorité.
Maximo ne s’occupe pas de son frère, il met un genou en terre devant Amada sanglante, tend vers elle ses bras supplians, tandis que deux larmes roulent sur ses joues.
— Souviens-toi que je t’aime et que pour moi tu seras éternellement belle, dit-il ; maintenant, au revoir ou adieu ; tu en décideras.
Il se relève, se tourne vers don Blas.
— Père, dit-il, la vie de Lorenzo est pour moi sacrée, j’ai promis au Christ de la respecter à cause de vous. Si lui veut me tuer, laissez-le faire ; j’ai plus envie de mourir que de vivre.
Il se dirige vers le bois, disparaît.
Je suis près d’Amada dont la mère, éperdue, cherche en vain à étancher le sang ; la jeune fille est debout, très pâle. J’examine ses coupures, elles partent des pommettes des joues, descendent jusqu’au menton, sont peu profondes. Maximo n’a voulu que la défigurer, et, à l’aide de son doigt, n’a laissé dépasser que quelques millimètres de la pointe du couteau dont il s’est servi. Je fais asseoir la jeune fille, je panse ses blessures dont je rapproche les lèvres. Guéries, ces entailles lui laisseront deux cicatrices blanches, indélébiles, comme en portent fréquemment les bravaches poblanais, ou les maîtresses infidèles qu’ils ont châtiées.
Lorenzo, toujours maintenu par son père et par don Onésimo, les entraîne près d’Amada.
— Je te vengerai, lui dit-il, je rendrai à ton bourreau les blessures infamantes dont il t’a marquée.
La jeune fille se lève.
— Je te le défends, dit-elle avec autorité, ton frère a promis au Christ de ne pas te toucher, et je veux de toi la même promesse, le même serment.
— Tu tiens à sa vie, après ce qu’il vient de faire ?
— J’y tiens comme à la tienne, Lorenzo, et ne veux point voir couler d’autre sang que le mien. Donc, promets d’oublier.
— Non, je veux te venger.
— Laisse-moi ce soin, et par le salut de ton père, par le tien, promets-moi de respecter la vie de Maximo, je le veux.