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qu’était bâtie celle de l’empereur Hadrien, à Tibur, qui passait pour une merveille. Quand on la voyait de loin, avec ses bâtimens de toute dimension et ses toits de toute forme, elle devait ressembler à une petite ville. Pline le Jeune emploie précisément cette expression pour caractériser l’aspect des maisons de plaisance qu’on rencontrait le long du rivage d’Ostie : Præstant multarum urbium faciem. Dans celle de Pompéianus, quoiqu’elle fût encore très librement construite, la symétrie est un peu plus respectée. Les deux ailes sont occupées par deux grands pavillons carrés, surmontés d’une sorte de dôme : au centre, à côté d’une porte monumentale, s’élève une tour à trois étages comme il s’en trouvait dans toutes les villas romaines, pour donner au propriétaire le plaisir de la vue et l’agrément du grand air ; puis vient un corps de logis, avec de grandes fenêtres cintrées, qui paraissent éclairer une galerie intérieure. Des deux côtés, en dehors de la villa, deux petites maisonnettes, qui se répondent, complètent le logement du maître et des serviteurs. Elles donnent sur des jardins, et, pour l’indiquer, l’artiste a placé par derrière de grands arbres, dont le sommet dépasse les toits ; aux deux extrémités commencent des palissades de buis, comme on en trouve dans le parc de Versailles, qui entouraient les bosquets et emprisonnaient les allées : la mode s’en est conservée depuis les Romains jusqu’à l’époque de Louis XIV.

Au-dessous de sa maison, Pompéianus avait fait représenter son écurie, montrant ainsi quels étaient ses goûts et ses préférences : c’étaient celles de presque tous les gens de son pays. Les indigènes, alors comme aujourd’hui, aimaient par-dessus tout leurs chevaux : ils les soignaient, ils en étaient fiers. Ceux que nous montre Pompéianus, les meilleurs sans doute qu’il eût chez lui, portent leurs noms écrits au-dessus d’eux : ils s’appellent Delicatus, Pullentianus, Titas, Scholasticus[1] ; mais Pompéianus ne se contente pas toujours de les nommer ; il y joint parfois quelques paroles de flatterie et d’affection qui témoignent à quel point il les admire et il les aime. S’adressant à celui qui s’appelle Altus (Le haut), il lui dit : « Tu es sans pareil, tu fais des bonds comme des montagnes, unus es, ut mons exultas ; » au-dessus d’un autre, on lit ces mots : « Que tu sois vainqueur ou non, nous t’aimons, Polidoxe, vincas, non vincas, te amamus, Polidoxe. » Celui-ci, on le voit, est un cheval de course, qu’on dresse à remporter des

  1. C’est dans la peinture de ces chevaux que le dessinateur paraît avoir commis ses fautes les plus graves. « Il a eu le tort, m’écrit M. Mercier, de placer entre eux une sorte de mangeoire qui n’existait absolument pas. De plus, le dessin laisse croire qu’ils sont revêtus d’une sorte de camail à ramages, comme le djellal de nos indigènes, alors qu’en réalité ils sont nus et que l’artiste n’a cherché à imiter que des jeux de lumière sur leur robe luisante. »