représenter en peinture la science des lettres et du style éloquent. Raphaël semble avoir longtemps hésité devant l’ardu problème et n’avoir pris sa décision qu’au dernier moment, car cette figure, importante à tous les points de vue, manque encore dans le magnifique carton de notre fresque qui est conservé à l’Ambrosienne de Milan. Quant à la Dialectique, elle a été réalisée ici avec une hardiesse et un bonheur également admirables : la première des sciences — disciplina disciplinarum, comme on l’appelait alors — occupe toute la partie supérieure de la composition, et nous donne le spectacle éblouissant des principaux systèmes philosophiques de l’antiquité.
N’allez pas cependant croire avec bon nombre de commentateurs que Raphaël ait songé ici à une histoire suivie et complète de la spéculation hellénique, et laissez les pédans remuer devant notre fresque leurs poudreux in-folio. Pour vous orienter dans cette composition merveilleuse et en jouir comme d’une œuvre d’art qu’elle est, l’érudition courante du commun des mortels vous suffira ; le peintre lui-même s’en est bien contenté ! Platon et Aristote vous sont déjà désignés par les titres des livres qu’ils tiennent en mains, et vous ne vous tromperez guère en saluant les disciples de l’Académie et du Lycée dans les cortèges rangés des deux côtés de ces maîtres. Plus loin, à gauche, Socrate, au masque de Silène, fait une de ses insinuantes démonstrations devant une réunion d’auditeurs comme il aimait à en rencontrer sur la place publique d’Athènes : quelques bourgeois et artisans, un ravissant éphèbe, un splendide guerrier qui est sans doute Alcibiade. En face de vous, sur les marches du temple, Diogène se prélasse au soleil, couvert de haillons et objet de risée pour deux épicuriens au-dessus de lui, l’un troussé et frisé avec toute l’élégance d’un petit-maître, l’autre plus âgé mais au type éminemment sensuel. Derrière eux, la tête appuyée sur la plinthe du grand pilier, quelque sectateur de Pyrrhon contemple avec un sourire narquois un bon jeune homme qui, dans la posture la plus incommode, prend des notes avec acharnement et ne veut rien laisser perdre des verba magistri. Que si maintenant, dans cet acharné preneur de notes vous vouliez voir, avec certains auteurs, un délicieux représentant de l’éclectisme, je n’aurais pas d’objection, et je vous approuverais sans réserve de donner ensuite le nom de stoïcien au vieillard superbe qui se tient debout à quelques pas de là et sait si bien se draper dans sa toge, dans son isolement et dans son orgueil. Sur le même plan, mais dans la pénombre, vous voyez s’avancer du fond, le bâton à la main, un grave pèlerin au profil vénérable, à la barbe longue, au costume sacerdotal : il