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Espagnols, les deux systèmes sont combinés ensemble : les allégories féminines trônent avec leurs emblèmes dans des niches splendides, et aux pieds de chacune d’elles est assis un sage de l’antiquité, drapé d’une manière bien fantastique : l’astronome Ptolomée, entre autres, confondu par erreur avec le roi du même nom, porte bravement la couronne ; et ce plaisant quiproquo se continuera ensuite dans le cadre de Melozzo da Forli, et jusque dans la fresque de Raphaël qui est ici devant nous. De la série des tableaux, ayant pour sujet les Sept arts libéraux, que Melozzo avait composés pour la bibliothèque du duc d’Urbin, Federigo da Monte feltre, quatre pièces nous sont parvenues, et ornent aujourd’hui les musées de Londres et de Berlin. C’est toujours la combinaison imaginée par le peintre du cappellone : une Science sur le trône et un adepte magnifiquement costumé à ses pieds, ou plutôt à genoux devant elle sur les gradins ; le fond pourtant est déjà d’une architecture somptueuse, et l’adepte rappelle par ses traits quelque contemporain : le dévot agenouillé devant la Dialectique est le prince Federigo en personne ! Enfin, la salle dite des Classiques, dans l’appartamento Borgia, ici au Vatican, forme comme l’avant-dernier anneau de la chaîne qui, de la cathédrale siennoise, va jusqu’à la Stanza della segnatura. Le cycle des sept Disciplines, peint dans cette salle des Classiques par Pinturicchio, ne diffère pas essentiellement de la donnée reçue ; mais chaque allégorie a pour fond un portique ou un paysage à vastes proportions, et pour entourage un grand nombre de personnes, maîtres, disciples et gens de conditions diverses ; dans le cortège de la Géométrie on remarque même un individu en turban, allusion généreuse aux services rendus dans cette partie de nos connaissances par les adorateurs du Coran. — Pour conclure ce rapide aperçu, un mot encore sur les formules par lesquelles tous ces prédécesseurs de Santi ont cherché à caractériser chacune des sciences. L’Astronomie est presque toujours représentée avec un globe ; la Géométrie avec un compas, une équerre ou un disque ; la Musique avec une harpe, un orgue, une viole ou quelque autre instrument ; l’Arithmétique avec un abacus, la table de Pythagore ; la Grammaire est accompagnée d’un ou de plusieurs enfans. À côté de ces attributs clairs et prégnans, on en rencontre aussi d’obscurs et de spécieux : une corne d’abondance ou une paire de serpens désignent la Dialectique ; la Rhétorique porte une couronne de laurier, ou est armée d’une épée et d’un bouclier ; le plus souvent, elle tient dans ses mains un livre ou un rouleau. C’est que ces deux sciences, éminemment abstraites, présentaient à tout essai de caractéristique des difficultés presque insurmontables. Raphaël