Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un remède à ce déplorable état de choses, et si nous vivons vingt ans encore, nos propres consciences nous honniront I » Ce ne sont pas les Anglais qui disent : « Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! » À la suite de l’enquête, le sentiment général fut que, contrairement à tout ce qu’on avait dit et fait jusqu’alors, il n’était pas permis à l’État de se désintéresser de l’instruction publique, qu’il est tenu de venir en aide aux petits bourgeois incapables de distinguer un véritable éducateur d’un marchand de soupes ou d’orviétan. En 1874, une loi autorisa la Charity Commission ou Commission des fondations à réorganiser toutes les fondations (scolaires, en faisant passer l’intérêt général et le sens commun avant les volontés expresses des testateurs ou des donateurs.

L’État n’a pas pris à son compte de nouveaux établissemens d’instruction secondaire ; mais, par l’entremise de la Charity Commission, il a réformé les écoles existantes, revisé les statuts, aboli les distinctions de cultes, introduit les dissidens dans les corps gouvernans, modifié le système d’administration, supprimé les droits de patronat. Il a fait réparer ou reconstruire les bâtimens scolaires, réglé l’emploi des fonds et les programmes d’études, et posé en principe que toute école devait être examinée au moins une fois l’an. Ces réformes ont soulevé d’abord une vive opposition ; la vieille Angleterre s’est plainte qu’on lui faisait violence. Elle avait affaire à forte partie, et après avoir protesté et gémi, elle s’est résignée en disant : « Nous vivons dans un temps où l’on ne respecte plus rien. Que la volonté du Parlement soit faite ! »

Pour l’enseignement primaire, on peut dire que l’État l’a créé par ses subventions, car c’est lui qui supporte la plus lourde part de la dépense. En 1833, le Parlement avait voté une modeste somme de 20 000 livres à titre de secours aux paroisses et aux sociétés qui entreprenaient la construction de maisons d’école. De 1833 à 1846, on était monté de 20 000 livres à 100 000. En 1862, on institua, sans le rendre obligatoire, un certificat d’aptitude à l’enseignement primaire. Mais le coup décisif fut porté en 1870. Désormais, en vertu de la loi rédigée et proposée par M. Forster, les écoles, pour recevoir des subventions, doivent accueillir tous les enfans sans distinction de cultes, n’imposer à personne l’enseignement confessionnel, admettre les inspecteurs de Sa Majesté et se conformer aux prescriptions d’un code approuvé par le Parlement, qui contient à la fois un programme scolaire et un règlement administratif. C’est ainsi que l’État a introduit successivement dans l’école primaire les trois principes de la laïcité, de l’obligation et de la gratuité, et qu’au cours des vingt dernières années, les dépenses de l’instruction publique sont devenues une des plus lourdes charges du budget.

Ce n’était pas assez d’avoir organisé l’école primaire selon les principes des États démocratiques les plus avancés. Le Parlement n’a pas craint de porter atteinte aux antiques privilèges des universités, jusque-là