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comme tout ce qui est simplement et naturellement humain. Les préoccupations plastiques sont moins déguisées dans le haut relief de M. Sicard, Agar. Le jeune Ismaël, épuisé et mourant, que sa mère soutient dans une anfractuosité de rocher, est d’une intention assez juste ; mais la robuste Agar, qui se montre de dos, nue comme une Vénus, exprime bien peu l’angoisse de l’esclave chassée qui voit agoniser son fils. Le travail a de la correction, de la force et même du style, mais pourquoi choisir un sujet plutôt qu’un autre, si on n’est pas résolu à le traiter logiquement ?

Bien que ce soient aussi et avant tout des études savantes d’attitudes difficiles, l’Ève chassée du Paradis, de M. Dagonet et le Caïn de M. Weitmen, tous deux accroupis à terre, la tête dans les genoux, cachant leur visage, révèlent pourtant, dans leurs poses pénibles, des intentions d’expression désespérée qui ajoutent du prix à leurs qualités techniques. Il y a encore une juste et heureuse manifestation de la douleur maternelle dans la Vierge de M. Boucher soutenant sur ses genoux le cadavre de son fils, — une Pietà, — et un sentiment délicat de piété douce et résignée dans la figure de jeune religieuse, en marbre polychrome et pierre, de M. Allouard, qu’il intitule Loin du monde. La recherche d’une pensée est, de même, visible dans le groupe en marbre de M. Convers, la Légende, et dans le groupe en plâtre de M. Neymaud, la Loi. La jeune fille, chaste et demi-voilée, par laquelle M. Convers symbolise la Légende jetant des fleurs sur le Passé que représente un vieillard, nu, assis dans des ruines, est malheureusement un peu gauche et courte. Ce sujet, en somme, ne s’explique pas clairement ; mais ce Passé, qui pourrait être le Temps, est une figure d’une savante et belle exécution qui révèle un artiste préparé aux plus nobles besognes. La Loi, de M. Neymaud, symbolisée par Moïse et le Christ assis côte à côte et prêts à s’entendre, est encore à l’état de modèle trop sommaire pour qu’on puisse juger si le sculpteur tirera de cette haute conception tout l’effet qu’on en peut espérer.

Dans les sujets purement plastiques, arrive d’abord le groupe inévitable des Dianes : la petite Diane, fière et aimable, de M. Lanson, celle de M. Guimberteau, irritée contre un Actéon invisible, moins aristocratique et plus robuste, celle de M. Coutheillas, en chasseresse victorieuse, le pied sur la bête morte, celle de M. Lombard, courant, à travers bois, aussi vite que le cerf dont elle tient la corne. Cette dernière est, de beaucoup, celle qui, par la fierté de l’allure, la fermeté du mouvement, la noblesse du visage, dans le caractère décoratif du XVIIe siècle, nous reporte le mieux à la beauté du mythe antique. Puis se présente le groupe, non moins compact, des héros mourans, le Pro Libertate de M. Seysses, l’Orphée de M. Hannaux, deux excellens morceaux d’école, etc.,